
Sceptique quant aux chances d’aboutir des négociations en cours, Anshel Pfeffer croit en revanche qu’une évacuation unilatérale de la Cisjordanie finira par se produire lorsqu’un Premier ministre ou un autre prendra conscience, comme Ariel Sharon pour Gaza il y a huit ans, que c’est de la liberté d’Israël – aujourd’hui otage des colons – qu’il s’agit.
Cela fait aujourd’hui huit ans qu’a débuté l’évacuation forcée des colonies juives de la Bande de Gaza par Israël, dans le cadre d’une opération unilatérale dite de “désengagement”. La première des implantations évacuées fut la petite colonie agricole de Morag, qui comptait alors une trentaine de familles. Je connaissais personnellement bon nombre des résidents de Morag et, en termes purement humains, cela me brisait le cœur de les voir délogés de leurs maisons. De nombreux drames étaient délibérément fabriqués : on leur avait notifié des mois à l’avance qu’ils devaient partir, et pouvaient profiter des programmes de relogement proposés. Ils avaient choisi de rester là jusqu’au dernier jour. Rien ne les obligeait à subir le traumatisme de voir un officier des Forces de Défense d’Israël entrer dans leur cuisine à l’heure du petit-déjeuner et intimer aux enfants l’ordre de sortir. Quelque chose en moi leur en faisait porter le blâme, mais le spectacle n’en était pas moins pénible.
Le moment le plus poignant pour moi, cependant, vint après que les derniers colons eurent été traînés dehors et hissés à bord des bus de rapatriement. Les véhicules destinés aux journalistes n’étaient pas encore là, et je pénétrai dans la petite synagogue de la colonie, restée intacte. (...)
Les Israéliens vont joyeusement continuer à lamper les vins des colons et à assaisonner leurs salades d’une huile d’olive marquée au coin raciste du slogan « Avôdah ivrith » [7] ; mais il suffira d’un autre Sharon, Premier ministre issu de la droite idéologique mais qui connut sa propre conversion, pour les convaincre d’entreprendre un nouveau retrait unilatéral, évacuant cette fois de larges bandes de la rive occidentale du Jourdain et incluant le démantèlement de dizaines de colonies.
Cela ne viendra pas du désir de fonder un État palestinien et certainement pas afin de conduire à la paix ou de rendre justice aux Palestiniens. Cela se fera parce qu’un leader israélien sentira qu’il ou elle ne supporte plus d’être l’otage du lobby des colons ; il lui faudra faire quelque chose pour briser les chaînes, alléger les pressions internationales sur Israël, et peut-être même dégager un peu d’argent pour loger de jeunes couples. Peu importe la qualité des vins de Shiloh, cela aura le soutien d’une majorité d’Israéliens. Exactement comme ils ont soutenu la destruction de Morag, il y a huit ans.