Dans un article publié par Bloombeg, l’économiste Ashoka Mody ancien directeur adjoint du département Europe du FMI, dénonce la persévérance dans l’erreur depuis 2010 de cette institution et des dirigeants européens vis-à-vis de la Grèce.
L’accumulation des difficultés financières du gouvernement grec oblige à imaginer ce qui était jusqu’ici impensable : un défaut sur un prêt du Fonds monétaire international. Au lieu d’exiger le remboursement et davantage d’austérité, le FMI devrait reconnaître sa responsabilité pour la situation difficile du pays et faire grâce d’une grande partie de la dette.
Les lourdes obligations de la Grèce vis à vis des gouvernements européens, du FMI et de la Banque centrale européenne remontent à avril 2010, quand ceux-ci ont fait une erreur fatale. Au lieu de laisser la Grèce faire défaut sur ses dettes insurmontables vis-à-vis de créanciers privés, ils ont choisi de lui prêter de l’argent pour qu’elles les payent en totalité.
L’erreur de 2010
À l’époque, nombreux étaient ceux qui appelaient à une "restructuration" immédiate de la dette, infligeant ainsi des pertes aux banques et aux investisseurs qui avaient prêté de l’argent à la Grèce. Parmi ceux-ci il y avait plusieurs membres du conseil d’administration du FMI et Karl Otto Pöhl, un ancien président de la Bundesbank et l’un des principaux architectes de l’euro. Le FMI et les autorités européennes ont répondu que la restructuration entraînerait un chaos financier mondial. Comme Karl Otto Pöhl l’avait candidement noté, il s’agissait seulement d’un alibi pour renflouer les banques allemandes et françaises, qui avaient été parmi les plus grands catalyseurs de la débauche grecque.
En fin de compte, la voie suivie a consisté simplement à remplacer un problème par un autre : les prêts européens et du FMI ont été utilisés pour rembourser les créanciers privés. Et, malgré une restructuration tardive en 2012, les obligations de la Grèce restent insupportables. À ceci près qu’elles sont maintenant presque entièrement dues à des créanciers publics.
Cinq ans après le début de la crise, la dette publique est passé de 130% du produit intérieur brut à près de 180%. Et une crise économique profonde et une déflation profondes ont gravement compromis la capacité de remboursement du gouvernement grec.
Presque tout le monde convient maintenant que pousser la Grèce à payer ses créanciers privés était une mauvaise idée. L’austérité budgétaire nécessaire était tout simplement trop grande. Elle a provoqué un effondrement de l’économie. Le FMI a reconnu cette erreur dans un rapport de 2013 sur la Grèce. Dans un document de travail récent, le Fonds a dit que quand une crise menace de s’étendre, il faut trouver une solution collective mondiale plutôt que de forcer l’économie en difficulté à assumer tout le fardeau. L’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, a mis en garde sur le fait que davantage d’austérité écrasera la croissance.
Perseverare...
Bizarrement, la marche à suivre proposée par le FMI pour la Grèce reste inchangée (...)
Suivant l’exemple de l’Allemagne, les responsables du FMI ont placé leur foi dans des "réformes structurelles"– des changements dans le marché du travail et les autres marchés qui sont censées améliorer le potentiel de croissance à long terme de l’économie grecque. Ils devraient pourtant en savoir plus.
La dernière édition des Perspectives de l’économie mondiale publiée par le FMI apporte elle-même un démenti à l’idée que ces réformes puissent résoudre le problème de la dette grecque de manière fiable et en temps opportun. (...)
Inévitablement, un allégement de la dette devra intervenir – mais au compte-goutte et dans une douleur implacable. Le gouvernement grec devra suspendre les paiements aux fournisseurs et aux travailleurs, et ponctionner les fonds de pension. Dans cinq ans, les tensions économiques et sociales du pays pourraient bien être encore plus aiguës. La question sera : Pourquoi davantage de dette n’a pas été annulée plus tôt ? Personne n’est prêt à affronter une arithmétique désagréable, et l’on préfère prendre ses désirs pour des réalités.
Ayant échoué lors de son premier test grec, le FMI risque de le faire à nouveau. Il reste piégé par les priorités de ses actionnaires, y compris ces dernières années, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Pour réaffirmer son indépendance et retrouver une crédibilité perdue, il doit faire une croix sur une grande partie de la dette de la Grèce et il doit forcer ses actionnaires riches à supporter les pertes. (...)