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Nicolas Mayer-rossignol ancien responsable des études sur les pandémies à la commission européenne
La grippe porcine : vers une pandémie ? Eléments scientifiques et politiques
Article mis en ligne le 30 avril 2009

Eléments scientifiques

La grippe est causée par un virus, c’est-à-dire une entité constituée d’un peu d’information génétique (des ‘gènes’) protégée par une enveloppe, capable de se répliquer dans les cellules des organismes infectés.

Votre navigateur ne gère peut-être pas l’affichage de cette image.Il existe de nombreux types et sous-types de virus grippal, plus ou moins virulents pour l’homme, les oiseaux, le bétail etc. On les distingue en fonction des variations de deux protéines constitutives de leur enveloppe : l’Hémaglutinine (H) et la Neuraminidase (N). Cela explique la terminologie H5N1, H1N1, H3N2 etc. On parle de souches virales.

Au plan médical il existe deux grands types de grippe :

1. la grippe saisonnière, due à un mix de trois souches virales bien connues, qui varie peu d’année en année. Chaque année l’OMS identifie les trois souches virales de l’année, un vaccin est produit sur cette base, et on peut se faire vacciner.
2. Exceptionnellement il arrive qu’un virus grippal mute (son information génétique est considérablement modifiée) de telle manière qu’il devient une nouvelle souche virale, très virulente et capable de se propager très vite d’homme à homme, puisque notre système de défense ne l’a jamais rencontrée auparavant. On parle alors de pandémie de grippe ou de grippe pandémique.

La pandémie la plus connue est celle de la grippe espagnole, en 1918-1919, qui fit plus de morts que la 1ère Guerre Mondiale (1 milliard de personnes infectées, entre 20 et 100 millions de morts selon les estimations, emportant Apollinaire, Schiele, Edmond Rostand…).

Pourquoi est-ce qu’une pandémie est dangereuse ? Pour quatre raisons :

1. Par définition, une souche pandémique est nouvelle. Il n’y a donc pas de vaccin efficace directement utilisable. La production d’un vaccin prend 4 à 6 mois.
2. La souche pandémique est très contagieuse, elle se propage très vite. Le nombre de personnes infectées devient très rapidement très important.
3. Les capacités de production de médicaments sont limitées. Comme le nombre de personnes à traiter est très important, la production peut ne pas satisfaire la totalité de la demande.
4. Parmi le très grand nombre de personnes infectées, une proportion importante doit être alitée/hospitalisée. La grippe pandémique, non seulement tue, mais ‘surtout’ paralyse la société : hôpitaux débordés, écoles, transports, lieux publics fermés etc.

La grippe « porcine » H1N1

Il semble que le virus qui fait actuellement la une de la presse soit issu d’une souche de type H1N1 (commune chez les porcs), qui aurait muté en intégrant des éléments génétiques venus d’autres souches grippales aviaires (oiseaux) et humaines (NB : il est donc inexact de parler de grippe ‘porcine’ ; l’OMS parle de grippe ‘d’origine Mexicaine’). Cette combinaison est nouvelle. La grippe espagnole de 1918 était également due à une mutation d’une souche H1N1.

Lundi 27 avril, l’OMS a confirmé que des transmissions d’homme à homme du virus ont eu lieu, au Mexique. Le risque d’une pandémie est donc élevé.

Au mardi 28 avril, des cas d’infection humaine ont été identifiés dans 7 pays : Mexique (26 cas, 7 morts, probablement beaucoup plus), USA (64 cas, 0 morts), Canada (6 cas, 0 morts), Nlle Zélande (3 cas, 0 morts), Royaume Uni (2 cas, 0 morts), Israël (2 cas, 0 morts) et Espagne (2 cas, 0 morts). En France, vingt cas suspects étaient « en cours d’investigation » mardi et deux cas « probables » ont été notés en Ile-de-France.

L’impact en France d’une pandémie a été modélisé en 2004 par l’Institut de veille sanitaire. En l’absence d’intervention sanitaire, le bilan français pourrait s’établir à 9 à 21 millions de malades, et 91 000 à 212 000 décès en fin de pandémie. 500 000 à un million de personnes pourraient développer des complications nécessitant leur hospitalisation. Le modèle était basé sur une pandémie de grippe aviaire (H5N1) mais est transposable au cas H1N1.

Eléments politiques

Face à une telle menace sanitaire, il y a trois niveaux de réponse politique :

1. Il faut un plan d’action national et européen

Le plan national Français existe depuis 2004. Il est globalement bien fait. Des exercices de simulation d’une pandémie, pour tester ce plan, ont été réalisés.

Par contre le plan européen -qui existe officiellement- est très largement virtuel. Les Etats coopèrent très bien pour diffuser l’information scientifique et médicale, mais coopèrent très mal lorsqu’il faut agir ensemble (exemple vécu : lors d’un exercice européen de simulation en 2005, la France a décidé unilatéralement de fermer ses frontières, sans informer au préalable les autres Etats). A l’image du plan de relance économique, en situation de crise l’Europe s’efface et l’action nationale prédomine. Une réponse européenne serait pourtant plus efficace.

2. Il faut prévoir des médicaments

Deux types sont nécessaires :

* Très court terme : les antiviraux. Ces médicaments ne sont pas spécifiques d’une souche virale ; ils protègent, moyennement, contre la plupart des souches. C’est le seul médicament immédiatement disponible en attendant la production de vaccins. Le plus célèbre est Tamiflu, produit à Bâle par la société Roche.
* Moyen terme (4 à 6 mois au moins) : des vaccins. Il faudra produire des doses en quantité suffisante.

La aussi, la France est plutôt bien préparée. Elle possède un stock d’environ 23 millions de doses de Tamiflu (Roche) et de 10 millions de l’antiviral Relenza (GlaxoSmithKline). Surtout, et c’est crucial en cas de pandémie, elle dispose de plusieurs sites stratégiques de production de vaccins sur son territoire (ex : site de Sanofi-Pasteur à Val de Reuil).

Par contre, le niveau européen est très faible. Au Conseil ‘Santé’ de juin 2006, Xavier Bertrand, alors Ministre de la Santé, a rejeté avec ses homologues de droite une proposition de constituer un stock européen d’antiviraux. Il n’y a pas non plus de mécanisme européen de solidarité entre les pays –comme la France- qui disposent de capacités de production de vaccins, et ceux qui n’en n’ont pas. Là encore, nous aurions besoin de plus d’Europe, et d’une Europe plus solidaire.

Au plan international enfin, il existe un stock d’antiviraux géré par l’OMS, mais il serait nettement insuffisant si la pandémie touchait les pays en voie de développement.

3. Il faut amplifier la recherche

Nous serions bien mieux préparés pour affronter ce type de crise sanitaire si les moyens dévolus à la recherche dans le domaine, qui est par essence transfrontalière et pluridisciplinaire, étaient plus importants.

Par exemple, certaines études suggèrent qu’on peut diminuer la quantité de virus nécessaire pour produire une dose de vaccin, tout en conservant la même efficacité thérapeutique, grâce à l’utilisation de ce que l’on appelle un ‘adjuvant’. Cela permettrait d’augmenter considérablement la capacité de production, facteur décisif en cas de pandémie.

Les recherches, notamment les essais cliniques, sont très coûteuses. Les fonds européens pour la recherche sur la grippe sont de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros. C’est notoirement insuffisant.

Pour des raisons historiques, l’Europe est leader mondial dans le domaine des vaccins. La plupart des producteurs de médicaments antigrippaux sont basés en Europe ou en Suisse. C’est un atout pour l’Europe et la France sur lequel il faut davantage s’appuyer.

Conclusion

La crise sanitaire de la grippe H1N1 présente des similitudes politiques avec la crise financière, économique et sociale actuelle : pour mieux l’affronter, nous avons besoin de :

 plus de coopération au niveau européen et international,

 plus d’investissement dans la recherche et l’innovation (ici dans le domaine de la santé).