
Nous voudrions renouveler nos profondes condoléances aux habitants de Bruxelles et à toutes les victimes des attentats de mardi.
C’est la même violence et la même terreur que fuient tant d’habitants de La Jungle. Nous devons rester ensemble, unis comme humanité, contre la violence sous toutes ses formes.
Au cours des nombreux mois que nous avons passés dans La Jungle, nous avons enduré de vivre dans des conditions sordides et crasseuses. Nous avons tous été soumis à une violence racist habituelle et systématique dans les mains de nationalistes, de fascistes, et de la police française. Cette expérience de violence est commune à tous les habitants de La Jungle et se produit de manière quasi quotidienne. Pour beaucoup, y compris de très jeunes réfugiés non accompagnés, cette violence est simplement devenue la norme.
Malgré les conditions terribles dans lesquelles nous nous sommes trouvés vivre, aucune alternative concrète et humaine ne nous a été offerte. La dispersion des réfugiés à travers la France dans des centres souvent inhabitables, et la procédure longue et complexe de demande d’asile, laissent beaucoup effrayés, désespérés, et les fait revenir dans La Jungle.
Le 29 février, l’État français a commencé leur expulsion de la partie sud de La Jungle. Le niveau de violence était indescriptible. Nous Iraniens étions dans la première section à démolir. En violation de leurs promesses et des décisions de justice, les autorités ont détruit nos abris, nous ont battus, nous ont étouffés avec des gaz lacrymogènes et ont tiré sur nous avec des balles de caoutchouc. Nous n’avions reçu aucun avertissement et aucun interprète pour nous aider à comprendre ce qui se passait. Nous n’avons pas eu le temps d’emballer nos quelques effets personnels, nous avons tout perdu, sauf les vêtements que nous avions sur le dos. Il est devenu clair pour nous que les problèmes des réfugiés en France, particulièrement dans la Jungle de Calais, avaient été censurés et que nous avions tous été présentés comme des terroristes et des fauteurs de troubles.
Notre décision de commencer une grève de la faim et de coudre nos lèvres pour protester contre le traitement inhumain des réfugiés et demandeurs d’asile a été bien réfléchie. Notre décision n’était pas basée sur la colère, mais prise pour des raisons claires. (...)
Après seize jours de grève de la faim, un représentant du gouvernement est entré en négociation avec nous pour résoudre les problèmes des réfugiés dans La Jungle. Nous avons présenté chacun des problèmes rencontrés par les réfugiés. Après cinq réunions, nous n’avons rien reçu que des réponses standard, sans plan définitif mis en avant pour changer ou reconsidérer les politiques publiques concernant le traitement des réfugiés.
Les propositions mises en avant par l’État ne contenaient que les étapes pratiques qui auraient dues être mises en œuvre depuis longtemps pour assurer des conditions de vie humaines dans La Jungle. Leurs projets pour la partie nord auraient dus être en place depuis le début pour l’entièreté du camp. C’est à cause de la négligence continuelle de l’État que nous nous sommes retrouvés dans la situation présente.
Nous considérons comme une victoire que le gouvernement français ait été forcé d’abandonner la destruction de la partie nord du camp et à la place de commencer le processus d’amélioration des conditions de vie, y compris la sécurité, les services médicaux, les services juridiques, l’assistance aux groupes vulnérables, y compris les mineurs, une eau propre et des routes goudronnées pour permettre l’accès des services d’urgence à l’intérieur du camp.
Nous avons rencontré aussi des représentants du HCR et du Défenseur des Droits, qui ont assuré qu’ils allaient publier un rapport sur les conditions dans La Jungle. Nous acceptons leurs assurances qu’ils vont agir de manière appropriée pour sauvegarder nos droits humains.
Notre but était de faire prendre conscience des problèmes des demandeurs d’asile dans La Jungle. Nous voulions raconter au monde ce qui se passait ici et nous avons réussi. Nous avons reçu des messages de solidarité du monde entier et nous en sommes très reconnaissants. (...)
Nous avons décidé d’arrêter notre grève de la faim non comme une réponse directe aux négociations avec l’État français mais par respect pour ceux qui nous soutenaient, qui avaient un réel souci pour notre bien-être, et comme un geste de confiance que l’État tienne ses engagements limités de protéger et d’améliorer les conditions des habitants du nord de La Jungle.
Il y a encore beaucoup de travail à faire et ce n’est pas la fin de la lutte pour les droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs d’asile à travers l’Europe. Nous vous invitons tous à vous tenir avec nous, unis en humanité. »