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Attac 33
La grande braderie
Jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 22 février 2013

Si les grecs, qui s’enfoncent presque inexorablement dans la misère sous le joug de leurs créanciers et
des restrictions budgétaires de tous ordres, s’avisent un jour de constituer un tribunal des fauteurs
de crise, ils pourront citer à comparaître François Hollande.

Notre Président, lors de sa visite
de « soutien » mardi dernier, a tombé définitivement le masque pour afficher son appétit de parasite,
prêt à dévorer le malade affaibli par une cure d’austérité sans précédent. L’ambition est désormais
limpide, clairement revendiquée : «  Le Premier Ministre depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs
mois, m’a informé de son programme de privatisation. Alors il m’a dit avec sa gentillesse habituelle,
mais aussi la fermeté de ses convictions et son amitié pour la France, « Venez, entreprises françaises,
participer à ce programme ».

Sur le plan intellectuel, idéologique, on peut être pour ou contre les
privatisations. Là n’est pas la question. C’est un programme qui est décidé par la Grèce. Il y a des
opportunités. Et bien nous devons, nous les français, et les entreprises françaises, y prendre toute
notre part
 ».

Ces paroles, à verser au dossier d’accusation, témoignent d’un cynisme politique absolu
mais ne sont pas véritablement surprenantes de la part d’un dirigeant que tous les commentateurs
politiques s’accordent à considérer comme « pragmatique ». Quoi de plus naturel dans ces conditions
que de se ranger dans le camp des vainqueurs, dans le camp des multinationales, dans le camp du
marché dominateur ? « L’anti-passion » ne peut évidemment se risquer à défendre des idéologies
surannées ; il faut savoir reconnaître que les entreprises - et notamment les entreprises françaises qui
vont être dopées par l’application du pacte de compétitivité - sont plus aptes que l’Etat à remplir des
missions de service public.

Tous nos grands groupes sont sur place pour dépecer et se repaître des
meilleures pièces de l’Etat grec
 : le groupe Vinci pour les « concessions autoroutières », Alstom pour
le réseau ferré, Suez pour la régie des eaux d’Athènes, le sucrier français Cristal Union pour la reprise
du monopole public sur le sucre, la Caisse des dépôts (CDC) pour la mise en place d’un fonds
d’investissement, etc . . .

Sur le marché
mondial des affaires, les investisseurs achètent et revendent au gré des opportunités, un jour ici, un
jour là. Ce ballet incessant de rapaces s’opère avec la bénédiction de dirigeants libéraux qui jouent le
rôle d’entremetteurs, de facilitateurs.

En Grèce, c’est un peu la grande braderie, tout l’Etat doit
disparaître . . . Et avec un SMIC à 560 € brut, c’est un eldorado à portée d’avion présidentiel pour nos
patrons qui s’y ruent avec le sentiment d’être en mission officielle.
La Grèce est aujourd’hui
« attractive » mais encore quelques petits efforts, encore quelques mesures de réduction des
dépenses, et la France le sera tout autant ; elle pourra peut-être alors plaire à Mr Maurice Taylor, le
PDG américain de Titan, un « ultra-libéral » exalté, que notre ministre du redressement productif,
Arnaud Montebourg, trouve désormais « extrémiste », dans une réaction de dépit outragé, après
avoir fondé beaucoup d’espoir dans ce repreneur potentiel du site de Goodyear à Amiens.

L’édifice social européen menace de s’écrouler sous les coups de butoir d’un capitalisme financier que
les gouvernements n’entendent pas véritablement réguler.
En France, la réforme du système bancaire
est mort-née. D’après Pierre Moscovici, les banques françaises n’ont pas démérité dans la crise et « le
modèle de la banque universelle a fait ses preuves » ; il faut veiller « à ne pas fragiliser une industrie
qui emploie plus de 300 000 personnes, qui participe au financement de l’économie, des entreprises ».
Serein, notre ministre de l’Economie et des finances ajoute : « Si j’avais eu le sentiment que la
séparation entre la banque de dépôts et la banque de marché était la solution, je l’aurais fait ».

Nos gouvernants sont décidément les VRP magnifiques d’une oligarchie qui dépossède à grande
vitesse les peuples européens de leur patrimoine collectif et casse tous les liens de solidarité
 ; ce sont
les acteurs d’une nouvelle forme de tyrannie qui compromet l’avenir et réduit à néant toutes les
conquêtes du passé.

Il y a près de cinq siècles, un jeune philosophe de 19 ans, Etienne de la Boétie, se demandait
« comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout
d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a de pouvoir de leur nuire,
qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux
tout souffrir de lui, que de le contredire. »

A la veille du FSM de Tunis, la question mérite d’être à nouveau posée. Les peuples prendraient
conscience de leur force . . .
Et « le printemps arabe », qui reste d’ailleurs inachevé, pourrait alors porter ses effluves par-delà les
rives de la Méditerranée.