Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
La firme Monsanto va faire face à la justice des peuples
Article mis en ligne le 6 octobre 2016
dernière modification le 3 octobre 2016

Le « Tribunal citoyen contre Monsanto » se déroulera du 12 au 16 octobre, à La Haye, aux Pays-Bas. Quelle est la légitimité d’un tel tribunal ? Quels sont ses objectifs, ses moyens ? Que peut-on en attendre ? Dominique Parizel, le rédacteur en chef de Valériane (la revue de Nature & Progrès Belgique), a interrogé l’un des organisateurs de cet évènement.

Nature & Progrès — D’où vient l’initiative de ce procès ?

Arnaud Apoteker — L’idée du « Tribunal contre Monsanto » est née dans le cadre d’une réunion du Forum civique européen, une organisation très active sur les questions d’alimentation et de politique agricole. Certains de ses membres accompagnaient à Bruxelles des paysannes colombiennes venues informer le Parlement européen quant aux risques d’une mainmise de Monsanto sur le droit des communautés locales à utiliser leurs propres semences. L’idée d’un procès international contre Monsanto a germé du constat qu’il est anormal qu’une telle compagnie menace le mode de travail et l’autonomie des paysans du monde, et occasionne des dégâts énormes à leur environnement, sans que personne ait finalement les moyens de les défendre. Recherchant des militants d’ONG capables de rassembler autour de ce projet, ils ont immédiatement pensé à Marie-Monique Robin : un procès contre Monsanto étant une suite assez logique à son livre Le monde selon Monsanto. Rapidement convaincue, elle a, à son tour, mobilisé des personnalités avec qui elle avait travaillé, au premier rang desquelles Vandana Shiva, Gilles-Éric Séralini et Olivier De Schutter.

D’une manière générale, tout citoyen est invité à s’engager, à titre personnel, en signant l’appel, mais aussi à contribuer financièrement, car ce tribunal citoyen, bien sûr, ne dispose d’aucun moyen [1]. Le comité d’organisation se compose, à présent, d’une trentaine de membres tous recrutés sur une base volontaire ; il n’y a pas eu a priori de volonté de représentativité, d’équilibre ou de parité quelconque.

Quelle sera la valeur juridique d’un tel tribunal ?

Le comité d’organisation ne prétend pas à l’impartialité. Il ne comporte que des opposants aux activités de Monsanto. Aussi n’est-ce pas ce comité qui jugera, même si le tribunal est monté à son initiative. Il ne s’agit donc pas d’un procès mené devant une cour formelle : le jugement sera avant tout symbolique et nullement contraignant. Nous n’avons cependant pas souhaité le réduire à un tribunal d’opinion : nous avons voulu que notre tribunal soit présidé par de vrais juges afin de fonder ses délibérations en droit et non sur une opinion, aussi légitime et généreuse soit-elle. Les juges que nous sollicitons ont siégé dans des cours nationales ou internationales de justice ; ils sont reconnus, mais sont aujourd’hui à la retraite, car un juge en activité ne peut pas siéger dans un tribunal citoyen, ce qui constituerait une sorte de conflit d’intérêts. (...)

Travaux d’étudiants, cas et témoignages de victimes, partout dans le monde : tout cela fournira des éléments solides qui pourront être réutilisés dans d’autres contextes. Si le travail des juges est pertinent — et même s’il a été réalisé au sein d’un tribunal populaire —, peut-être donnera-t-il les moyens de poursuivre Monsanto, en Argentine, au Sri Lanka ou ailleurs. Tout avocat de victimes sera habilité à présenter ce qu’aura déclaré notre panel de juges reconnus ; il est donc permis d’espérer que leur travail convaincra, à l’avenir, n’importe quel tribunal, cette fois tout à fait officiel. (...)

La question du glyphosate, qui fait l’actualité en Europe, est l’un des cas que les juges vont utiliser. La réputation globale du Roundup rendait inimaginable, il y a deux ans encore, son interdiction par l’Europe. Son agrément devait être renouvelé pour quinze ans au moins, or nous sommes à dix-huit mois ! C’est une victoire de la société civile. Il faut donc maintenant aller au-delà et appeler à la mobilisation contre toutes les compagnies transnationales qui polluent impunément l’environnement global. (...)

Le deuxième espoir est de montrer la nécessité d’introduire la notion d’écocide dans le droit. Il faut pouvoir poursuivre ces compagnies et leurs dirigeants au pénal et pas seulement au civil. Monsanto, qui sait depuis des années combien ses propres produits sont toxiques, provisionne des sommes faramineuses pour acquitter les amendes, les settlements, à ses victimes [2]. Monsanto proteste, bien sûr, car c’est une question de réputation, mais paie rubis sur l’ongle et ses dirigeants, quant à eux, ne courent jamais le moindre risque.

Le troisième espoir, on l’a dit, est de pouvoir mettre à la disposition des victimes une « boîte à outils juridiques » permettant de multiplier les procès contre Monsanto et les autres grandes compagnies agroalimentaires et chimiques transnationales. Ou même dans d’autres domaines, éventuellement, en fonction des dossiers. (...)