
C’est une première : la famille d’un viticulteur décédé d’une maladie causée par les pesticides a décidé de porter plainte contre X, pour « homicide involontaire, omission de porter secours, abstention délictueuse et délit de tromperie ». James Bernard Murat, vigneron du Bordelais, est décédé en 2012 d’un cancer bronchopulmonaire. Le caractère professionnel de sa maladie a été reconnu en 2011 : il a traité ses vignes avec de l’arsénite de sodium, pendant 42 ans.
« Ni les représentants de la chambre d’agriculture, ni les distributeurs, ni les coopératives où il s’approvisionnait ne l’ont informé ou averti que le fait de pulvériser ces produits présentait des dangers pour sa santé », expliquait sa fille en 2013 dans un témoignage publié par Basta !. « Nous avons tous ressenti une grande colère quand nous avons appris qu’il avait été empoisonné par l’industrie chimique. » La dangerosité de l’arsénite est reconnue depuis au moins 1955, rapporte l’association Générations futures. Mais l’État n’a définitivement interdit ces produits à base d’arsenic qu’en 2001.
James Bernard Murat a décidé d’en parler. Un fait rare. « Chez les paysans, on ne parle pas de ses difficultés, qu’elles soient financières ou de santé. Il y a une sorte de chape de plomb, décrit Valérie Murat. Il y a aussi chez eux une sorte de culpabilité : ils se sentent à la fois victimes et coupables, puisque ce sont eux qui ont pulvérisé les produits. Mais mon père avait décidé de parler pour toutes les victimes qui mourront dans les prochaines années, et pour leurs familles qui seront détruites comme la nôtre. »
Briser l’omerta
Cette plainte a pour but de révéler toutes les responsabilités – des entreprises qui fabriquent et commercialisent ces produits, des services de l’État qui encadrent leur utilisation et les homologuent. (...)