
(...) La crise grecque est le produit de trois facteurs convergents :
a) la crise généralisée du capitalisme néolibéral, en raison de l’échec systématique de la dérèglementation financière et de la « libéralisation » du travail ;
b) la construction déséquilibrée de l’Union monétaire européenne et l’abandon progressif du modèle social européen au profit d’un système néolibéral de gestion sociale ;
c) un système politique corrompu, fruit d’une relation perverse entre les élites politiques et économiques et d’un réseau corrompu de politiques clientélistes qui connaissait déjà une crise profonde avant le plan de sauvetage.
Cependant, en dépit de ce système politique pathologique, la crise grecque devrait être davantage vue comme un aspect de la crise du capitalisme européen, qui se fait jour sous différentes facettes dans plusieurs pays et reflète les faiblesses structurelles spécifiques à chacun d’eux : la surexposition bancaire en Irlande, la bulle immobilière en Espagne, la dette publique excessive en Grèce.
Il s’agit plutôt d’une crise due au déséquilibre de l’intégration économique et de l’union monétaire dans Union européenne. Une seule monnaie, par définition, ne permet pas la fluctuation de la devise, même lorsque des pays de l’union monétaire bénéficieraient de fluctuations des valeurs relatives. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, au fil du temps et en raison de l’impossibilité de dévaluer la monnaie, un produit d’une économie plus faible devient plus onéreux qu’un produit similaire issu d’une économie plus forte. Par conséquent, le déficit commercial entre les États s’accroît (cela se produit non seulement au sein des unions monétaires qui disposent d’une monnaie unique, mais également lorsqu’une économie fait coïncider sa monnaie avec une autre plus forte, comme ce fut le cas pour le Mexique et l’Argentine vis-à-vis du dollar étasunien). C’est pourquoi des économistes comme M. Feldstein ont, dès l’origine de la Zone Euro, averti que l’euro conduirait inévitablement à des déséquilibres commerciaux persistants entre les pays les plus compétitifs (notamment l’Allemagne) et les pays les moins compétitifs du Sud. Ainsi, les déficits du dernier ne sont que le revers de la médaille des excédents du premier.
Le déséquilibre économique actuel de l’Union n’est donc pas un fait extérieur, imputable aux politiques nationales d’Etats méridionaux « prodigues », mais bien un fait inhérent aux dynamiques de la monnaie unique, et qui s’impose à ces États. (...)