
le début de son pontificat, en 2013, François a appelé les catholiques européens à s’opposer à la « mondialisation de l’indifférence » en se mobilisant, notamment, dans l’aide aux migrants. Cinq ans après Lampedusa, le message de François a-t-il jamais été aussi peu audible chez les catholiques européens ?
À l’échelle des baptisés, des paroisses ou des associations chrétiennes, il s’accomplit, sans nul doute, mille actions de générosité. En revanche, force est de constater que des pays de forte culture catholique tombent les uns après les autres dans le camp des partis anti-immigration. La Bavière, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne, l’Italie désormais, par des chemins différents mais convergents, ont tous rejoint le club des pays décidés à faire échouer la politique de quotas d’accueil de l’Union européenne. L’Espagne, qui a accueilli l’Aquarius à la dérive, et le Portugal sauvent peut-être l’honneur catholique même s’ils ne se trouvent pas sur les routes migratoires les plus importantes. À mi-chemin, la France a du mal à se départir de la posture morale. L’emphase des discours publics cache mal les difficultés d’un passage à l’acte.
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Dans la défiance des opinions catholiques, il faut enfin regarder avec lucidité le refus du multiculturalisme qu’entraîne l’immigration. Des imaginaires nationaux, encore irrigués en Europe centrale par l’opposition historique à l’impérialisme de la Turquie ottomane, peuvent se reconfigurer dans un nouveau racisme antimusulman. La religion est alors instrumentalisée comme le ciment de l’unité nationale contre ce qui est perçu comme une menace extérieure. Budapest, Varsovie ou Vienne défendent une version conservatrice de la nation, conçue comme une unité religieuse et de peuplement à préserver dans sa forme héritée. (...)
Y aura-t-il du côté de Rome assez de force pour reprendre la main comme par le passé ? La Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece) pourrait aujourd’hui servir de courroie de transmission entre les appels de Rome et les communautés catholiques nationales. Lors d’une conférence – (Re)thinking Europe – qu’elle organisait en octobre dernier, le pape François lui a dressé un programme d’action clair. Les catholiques doivent participer à la mise en place d’une « Europe inclusive » : « Devant le drame des déplacés et des réfugiés, on ne peut pas oublier le fait qu’on est devant des personnes, qui ne peuvent pas être choisies ou rejetées selon le bon vouloir, suivant les logiques politiques, économiques, voire religieuses. »