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La députée Bérangère Abba : un jour contre l’enfouissement des déchets nucléaires, à son pilotage le lendemain
Article mis en ligne le 29 juillet 2020

Peut-on critiquer le projet d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure tout en intégrant l’établissement public qui pilote ses travaux ? Oui, selon Bérangère Abba, une députée de la majorité la République en marche qui vient d’être nommée en octobre au conseil d’administration de l’Andra — l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs.

Avant d’être élue en juin 2017, cette Haute-Marnaise habitant à Chaumont était adhérente du Cedra (la Coordination nationale des collectifs contre l’enfouissement des déchets radioactifs), une association antinucléaire. Elle participait à ses réunions et avait même posé en photo avec une pancarte contre le projet Cigéo [1] Deux ans plus tard, l’eau semble avoir coulé sous les ponts. Jointe par Reporterre, elle dit s’être « détournée de cette forme de militantisme » et préférer désormais « le dialogue » : « La diversité des regards ne fait que nourrir les projets et la hauteur de vues que l’on peut avoir sur eux », déclare-t-elle.

La jeune députée s’apprête à siéger à la même table que les acteurs de la filière nucléaire. À un moment déterminant. Selon le gouvernement, le projet Cigéo à Bure va entrer dans une phase opérationnelle. Début 2020, la demande d’autorisation de création (DAC) sera déposée et le bois Lejuc, qui se situe en aplomb du futur site, risque d’être défriché.

« Cigeo achète les consciences et pervertit les esprits »

Cette nomination est vécue comme une trahison pour les opposants antinucléaires. (...)

« C’est presque une règle mathématique. Quand un politique arrive aux responsabilités, il se renie sur Cigéo, tant le lobby nucléaire est puissant. » (...)

Depuis son élection, elle dit essayer, dans les coulisses de l’Assemblée nationale et au sein de la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaire, de relayer les alternatives au stockage en profondeur des déchets radioactifs. « Il faut mettre toutes les options sur la table de manière pragmatique, affirme-t-elle. Je regrette que l’idée d’un stockage en subsurface ait été écartée. » (...)

La députée arrivera-t-elle a porter en interne une voix dissonante ? Aura-t-elle une marge de manœuvre pour influencer les travaux de l’Andra ? Plusieurs raisons permettent d’en douter. (...)

La députée Haute-Marnaise affirme vouloir « collecter des informations » pour obtenir « le maximum de transparence ». Elle reconnaît, cependant, avoir signé une clause de confidentialité « blindée » et « très carrée », qui risque de la cantonner au silence. (...)

Autre aspect étonnant, la députée a été nommée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Opecst. Une instance phagocytée par le lobby nucléaire où l’on retrouve les principaux promoteurs de Cigéo (...)

« L’Andra manquait de relai pour peser sur le gouvernement, confie un député de l’Opecst. L’agence a toujours eu des affinités avec des parlementaires socialistes ou de Les Républicains lorsqu’ils étaient au pouvoir. Avec l’arrivée d’En marche, elle a dû reconstituer son répertoire », poursuit le parlementaire. Berangère Abba est, en ce sens, une recrue idéale.

Inconnue il y a quelques mois, Bérangère Abba monte au sein du parti présidentiel et veut incarner le virage écolo du quinquennat. (...)

Même chose pour le Ceta, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. La députée n’était pas présente lors du vote. Le matin elle assistait à une rencontre entre Greta Thunberg et les députés français, évènement organisé par le collectif Accélérons la transition, dont elle est membre. L’après-midi elle avait, dit-elle à Reporterre, « un rendez-vous important au même moment. Entre nous, ça tombait bien ».