
Le débat sur la démondialisation couvait depuis quelque temps. La marche, peut-être inexorable, vers une crise sans précédent en Europe, notamment à cause des défauts probables des dettes publiques, soulève des interrogations sur les parades à apporter pour éviter que le chaos s’ajoute au chaos. Ainsi, beaucoup de questions concernant la démondialisation rejoignent-elles celles soulevées à propos d’une éventuelle sortie de l’euro. Ce blog et plusieurs autres lieux s’en étaient fait l’écho.
Au mois de mai 2011, deux journalistes de Médiapart avaient publié des articles de presse présentant les principaux thèmes abordés par les partisans de la démondialisation et la récupération dont ils sont l’objet par le Front national.[1] Suite à ces publications, quelques membres du Conseil scientifique d’Attac – dont je faisais partie – proposaient un article bref, pour rester dans le format des tribunes de presse, à Médiapart. Simultanément, je publiais en mon nom seul un article sur ce blog. La discussion était lancée. Aussitôt, Jacques Sapir[2] d’un côté et Frédéric Lordon[3] de l’autre répondaient longuement, leurs écrits étant très vite répercutés par leurs admirateurs. Avant d’aborder la discussion de fond, je souhaite faire quelques remarques préliminaires.(...)
En fait, je pense que le problème politique est double, mais ses deux aspects ont quelque chose à voir l’un avec l’autre. Le premier aspect est le plus immédiat : c’est celui posé par la récupération par le Front national de thèmes qui sont totalement étrangers à son idéologie mais qui lui permettent de la déguiser en profitant de la désespérance sociale engendrée par la crise et par les recettes néolibérales pour faire payer celle-ci aux peuples. Frédéric Lordon propose « un préalable de bonne méthode, décider d’ignorer les gesticulations récupératrices du FN, de cesser d’en faire l’arbitre intempestif et pollueur de nos débats, et de continuer de discuter des sujets qui nous intéressent. » Je dis à Frédéric Lordon, au nom de l’estime et de l’amitié dont il nous honore et que je lui rends, mon désaccord total. Parce que la violence de la crise crée une situation dans laquelle le pire peut survenir sur le plan politique.(...)
l’extrême difficulté que les peuples ont à surmonter aujourd’hui est précisément de reconstruire totalement leur souveraineté et non pas simplement de raviver une souveraineté mise en sommeil. En effet, tout ou presque est par terre, en termes de souveraineté démocratique. (...)
La reconstruction-construction de la souveraineté est à accomplir tant au niveau national que, pour ce qui concerne les Européens, au niveau régional, car l’affrontement avec les forces du capital ne se joue plus uniquement au niveau national, ni même peut-être essentiellement. Et ce n’est pas haïr la nation que d’avoir une approche du « peuple » non essentialiste mais comme le fruit d’une construction sociale historique (ce en quoi il me semble que Frédéric Lordon sera d’accord). Ce n’est pas non plus nier la nation que de mettre en doute l’identité plusieurs fois répétée par Frédéric Lordon entre nation et peuple puisqu’il existe des nations formées de plusieurs peuples.(...) Wikio