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La déforestation importée, un enjeu majeur pour l’environnement
Article mis en ligne le 4 avril 2018

Comme de nombreuses autres régions du monde, l’Europe importe et consomme des produits contenant notamment de l’huile de palme, du bœuf, du soja, du cacao et du bois, ce qui contribue à la déforestation à l’autre bout du monde. Une déforestation aux effets dévastateurs qui touche tous les continents et qui se poursuit à un rythme alarmant malgré de multiples initiatives internationales. Dans cette perspective, l’Europe veut diminuer son impact, mais continue d’être sur le plan économique l’un des acteurs de cette destruction.

Les forêts, qui abritent plus des deux tiers des espèces vivantes, dont un quart des espèces terrestres rien qu’en Amazonie, représentent non seulement les plus grandes réserves de biodiversité terrestre, mais elles contribuent à maintenir et à réguler de multiples équilibres naturels.

Les pays européens ont longtemps considéré les forêts comme des espaces de nature sauvage à dominer, puis à valoriser. Ces pays ont tardivement pris conscience de l’importance des forêts et des nombreux services qu’elles peuvent rendre à l’homme, par exemple en capturant le carbone et en contribuant à la diminution du réchauffement climatique. (...)

Dans les forêts primaires, composées d’espèces indigènes, sans trace visible de l’activité humaine, on trouve de très nombreuses variétés d’espèces (flore, faune) vivant du même écosystème. Autre catégorie : les forêts secondaires avec les forêts naturelles modifiées, qui se régénèrent naturellement, mais où l’on trouve des traces de l’intervention humaine, et, enfin, des forêts semi-naturelles et de plantations qui sont le résultat de l’activité humaine, généralement à des fins de production.

Or, ces forêts primaires, qui sont les dernières forêts d’origine, sont particulièrement vulnérables face à l’expansion humaine. Elles représentaient en 2005 près de 36% des forêts du monde, et sont aujourd’hui menacées de disparition dans les zones tropicales. (...)

La forêt secondaire, la seule qui nous reste, étant mitée, la lumière atteint le sous-bois, d’où une végétation qui empêche d’y progresser. On y trouve beaucoup moins d’espèces et des nuages de moustiques l’envahissent. Sur le plan économique, elle présente infiniment moins de richesses et d’essences. Cela explique pourquoi les forêts primaires ont quasiment disparu : les hommes les ont pillées ».

La déforestation : de quoi parle-t-on ?

Sur l’état de la déforestation mondiale, les estimations varient suivant les sources. Les chiffres de la FAO sont différents, par exemple, de ceux du World Ressource Institute ou du Global Forest Watch. La FAO qui coordonne des évaluations sur les ressources forestières mondiales tous les 5 à 10 ans depuis 1946, définit la forêt, dans son rapport FRA 2015, comme des « terres occupant une superficie de plus de 0,5 hectares avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à 5 mètres et un couvert forestier de plus de 10%, ou avec des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ. Sont exclues les terres à vocation agricole ou urbaine prédominante. »

Cependant sont « inclues les plantations d’hévéas, de chênes lièges et de sapins de Noël », d’où de nombreux débats sur ce qu’on prend en compte quand on parle de « forêts ». (...)

Cette tendance, qui reste forte, a connu cependant un ralentissement du rythme de la déforestation depuis 25 ans. D’après le dernier rapport quinquennal de la FAO sur « l’évaluation des ressources forestières mondiales 2015 » (FRA2015), depuis 1990 la planète perd chaque année 51 600 kilomètres carrés de forêt. Mais cette perte de la superficie des forêts naturelles et plantées est passée de 0,18% entre 1990 et 2000 à 0,08% dans la période 2000 à 2015. Un constat qui a fait dire à l’époque à José Graziano da Silva, le directeur général de la FAO : « Même si à l’échelle mondiale, l’étendue des forêts continue de diminuer alors que la croissance démographique et l’intensification de la demande en nourriture et en terres se poursuivent, le taux de perte nette de forêts a chuté de plus de 50% » . « Cependant, ajoute-t-il, cette tendance positive doit être consolidée, surtout dans les pays qui accusent un retard. » (...)
Les causes de la déforestation

Les causes de cette déforestation sont multiformes et sont fortement liées à nos modèles économiques mondialisés. Les spécialistes de l’Amazonie, à propos de l’impact traditionnel des peuples amérindiens sur leur environnement, donnent souvent l’exemple suivant : si vous superposez une carte des zones les plus riches de l’Amazonie en termes de biodiversité et une carte des zones de vie des peuples autochtones, vous vous apercevez qu’elles coïncident parfaitement. Ce qui tendrait à démontrer que le problème n’est pas forcément la présence de l’homme, mais plutôt son rapport à la nature.

Toujours est-il qu’aujourd’hui le premier facteur de déforestation est bien souvent la création d’une piste en forêt, qui amène de plus en plus de peuplement, ce qui crée une érosion progressive de la forêt. Cette arrivée de nouveaux groupes de populations va permettre le développement d’exploitations plus ou moins importantes, qui seront toutes à terme totalement destructrices pour la forêt d’origine.

Les grandes exploitations forestières sont souvent mise en cause par les écologistes, car elles créent des pistes dans des forêts primaires ou jusqu’alors préservées, parfois pour ne prélever que quelques arbres anciens, et ceci avec le consentement des Etats en quête de « développement économique ». Une déforestation qui est évidemment aggravée par de nombreux trafics d’espèces rares et protégées comme le bois de rose de Madagascar, l’Iboga du Gabon ou l’Ipé du Brésil qui vient de faire l’objet d’une enquête internationale de Greenpeace.

Mais le vecteur le plus important, à 80% responsable de la déforestation, c’est le développement des terres agricoles en zone tropicale. En particulier dû à l’extension dans le monde, des productions essentiellement d’huile de palme et de soja (...)

L’Europe est, par exemple, le deuxième plus gros importateur d’huile de palme au monde, avec 45% utilisé dans les agrocarburants de première génération, c’est-à-dire à base de composés végétaux comme l’huile de palme, le colza ou le soja. La France, grosse consommatrice de viande et de produits laitiers, importe massivement du soja, de plus génétiquement modifié, pour son alimentation animale, comme l’illustre l’enquête de l’ONG Mighty Earth à laquelle RFI s’est associée. Des modes de consommation, aux impacts catastrophiques sur le reste du monde, de plus en plus documentés, qui mettent l’Europe face à ses responsabilités.

Objectif : la fin de la déforestation en 2020

Pour mettre un terme à la déforestation et à ses conséquences, de nombreux programmes internationaux ont été initiés : l’Accord de Paris (pour le rôle des forêts dans la lutte contre le réchauffement climatique) ; la Convention sur la diversité biologique (programme « Zéro déforestation ») ; La Déclaration de New York sur les forêts (pour éliminer la déforestation des chaines d’approvisionnement) ; et les Objectifs du développement durable (ODD objectif 15).

De son côté, l’Europe a adopté la déclaration d’Amsterdam intitulée « Towards Eliminating Deforestation from Agricultural Commodity Chains with European Countries » (vers l’élimination de la déforestation des chaînes des produits agricoles de base avec les pays européens), pour soutenir une chaîne de production entièrement durable pour l’huile de palme et la fin de la déforestation à l’horizon 2020.

La France, présidant actuellement « le groupe d’Amsterdam » qui réunit les sept Etats membres signataires de cette déclaration, s’est aussi engagée au niveau national, dans le cadre de son plan climat, publié en juillet 2017, à se doter en 2018 d’une stratégie pour mettre un terme à la « déforestation importée », dont les grandes lignes seront dévoilées en juillet prochain.