
Luxe, calme et céphalées : tel pourrait être le mot d’ordre des croisières organisées par certains journaux pour des lecteurs désireux d’allier la réflexion à la détente. Et de savourer l’entre-soi de ces voyages d’agrément qui firent fureur à la Belle Epoque. The Nation, aux Etats-Unis, comme Le Figaro, à Paris, affrètent ainsi d’agréables paquebots. À leur bord, les plaisanciers enchaînent conférences dispensées par des intellectuels, repas pantagruéliques et découvertes culturelles. Sur le pont du navire loué par Philosophie Magazine, notre ami Sébastien Fontenelle a profité de l’aubaine...
...À la gare maritime de Marseille, une petite dame observe que « les chanteurs sont arrivés ». Information parfaitement exacte. A un détail près. Les vedettes qu’elle croit avoir identifiées ne sont pas (du tout) des crooners, comme pourraient le laisser supposer leurs ondulantes chevelures, mais des penseurs. Et non des moindres, puisqu’il s’agit de Luc Ferry, Jacques Julliard et Pascal Bruckner. Ils vont animer en Méditerranée, pendant dix jours, une « croisière philosophique » dédiée à un thème porteur :
« La pluralité des civilisations à l’âge de la mondialisation ».
...L’assistance rit, accueillant plutôt bien l’idée novatrice d’un syndicalisme enseignant égocentrique et stupide. Elle est prête, désormais, à entendre que « la mondialisation, c’est l’ouverture de la compétition vers le grand large », que « le chef d’entreprise qui n’innove pas est mort », et que l’entreprise est par conséquent le lieu de la « révolution permanente », où il est formellement interdit de « s’embourgeoiser ». Dans le Grand Salon, on opine, d’abondance....
...Derrière les marchés ? « Il n’y a personne. » Quant à ces gens qui supposent qu’un autre monde est possible, ce sont de bien curieux personnages : le Forum social de Porto Alegre, où l’avait « envoyé » M. Jacques Chirac en 2003, a ainsi laissé à Ferry le souvenir d’une espèce de « foire aux bestiaux, même si on y trouvait des altermondialistes et pas des vaches »....« L’intérêt des utopistes révolutionnaires pour le collectif n’est-il pas la compensation d’une vie privée médiocre ? La question mériterait d’être posée. » ...