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Mediapart
La cour d’appel blanchit Éric Zemmour pour sa sortie sur Pétain et les juifs
Article mis en ligne le 13 mai 2022

Éric Zemmour était poursuivi pour « contestation de crimes contre l’humanité ». Ce jeudi, la cour d’appel de Paris a invoqué un jugement rendu en 1945, la condamnation de Pétain, pour prononcer la relaxe.

La cour d’appel de Paris a confirmé jeudi 12 mai la relaxe d’Éric Zemmour pour « contestation de crimes contre l’humanité ». Le polémiste et candidat d’extrême droite à la présidentielle était poursuivi par quatre associations – SOS Racisme, la Licra, le Mrap et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) – pour avoir affirmé lors d’un débat télévisé que Pétain avait « sauvé les juifs français », sur CNews en 2019.

Pour exonérer Éric Zemmour de toute infraction pénale, la 7° chambre de la cour d’appel, présidée par Jean-Michel Aubac, a trouvé des motifs différents de ceux du tribunal judiciaire de Paris, qui avait déjà relaxé Zemmour. (...)

Dans un premier temps, la cour relève que « les propos reprochés au prévenu ont été tenus à la suite d’une brusque interpellation », quand Bernard-Henri Lévy « lui avait reproché d’avoir affirmé, dans une autre émission, que “Pétain avait sauvé les juifs”. Il convient de relever que seul M. Lévy fait usage du déterminant “les”, le prévenu ayant uniquement précisé “français” », nuancent les magistrats. (...)

« Il était fait référence à une opinion défendue par M. Zemmour – tant dans son livre Le Suicide français qu’à l’occasion d’émissions télévisées – selon laquelle si la déportation a moins touché les juifs de nationalité française que les juifs de nationalité étrangère résidant en France, c’est le fait d’une action du maréchal Pétain en leur faveur », lit-on dans l’arrêt.

Dans un second temps, la cour d’appel invoque un motif pour le moins surprenant. Elle « constate que les propos de M. Zemmour, s’ils peuvent heurter les familles de déportés, n’ont pas pour objet de contester ou minorer, fût-ce de façon marginale, le nombre de victimes de la déportation ou la politique d’extermination dans les camps de concentration, et […] relève que si par arrêt du 23 avril 1945, la Haute Cour de justice a reconnu le maréchal Philippe Pétain coupable d’attentat contre la sûreté intérieure de l’État et d’avoir entretenu des intelligences avec l’ennemi en vue de favoriser ses entreprises en corrélation avec les siennes, celui-ci n’a pas été poursuivi pour un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du Tribunal international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ».

Conclusion des magistrats : l’infraction de « contestation de crimes contre l’humanité », passible d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende, reprochée à Éric Zemmour, n’est « pas caractérisée ». (...)

Si l’on comprend bien, une décision de justice rendue en 1945 serait plus importante que les décennies de recherches universitaires qui ont suivi, et que les travaux d’historiens comme ceux de Robert Paxton, d’Henry Rousso ou de l’avocat Serge Klarsfeld, qui ont détricoté le mythe d’un Pétain faisant fonction de bouclier, et démontré la participation active et zélée du régime de Vichy à la déportation des juifs, français ou non.

À l’aune de cette décision de la cour d’appel, il est à craindre que les révisionnistes de tout poil puissent adresser autant de louanges qu’ils le souhaitent à Pétain.

À la sortie de l’audience, l’avocat de SOS Racisme a annoncé un pourvoi en cassation. (...)

Lors de l’audience du 20 janvier dernier à la cour d’appel, l’avocat général Nicolas Hennebelle avait estimé que les propos d’Éric Zemmour avaient été tenus « sciemment », sans « aucun lapsus », par une personne qui « a confirmé ce qu’elle a dit à plusieurs reprises ». Il avait requis une condamnation à 100 jours-amendes à 100 euros, soit 10 000 euros à payer sous peine d’aller en prison.