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La civilisation a atteint son seuil de contre-productivité
Arthur Keller est auteur, conférencier et consultant spécialiste des vulnérabilités des sociétés industrielles et des stratégies de résilience.
Article mis en ligne le 3 janvier 2019
dernière modification le 2 janvier 2019

L’incapacité des « responsables » à faire face au changement climatique révèle l’impasse du monde actuel. Car c’est le paradigme qui le domine qu’il faut changer, et sans attendre que la « solution » vienne d’en haut.

Trois ans et environ 110 milliards de tonnes de CO2 après l’historique COP21, le monde a assisté à un meurtre en direct et le monde a laissé faire : la COP24 fut le lieu d’un assassinat prémédité des pays les moins développés et des États insulaires par les États-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite, le Koweït, le Brésil et quelques autres nations pétrolières. Spectateurs indolents du carnage : une Pologne flasque, une Europe divisée qui s’enferme dans des tournoiements pathétiques autour d’on ne sait quel pot et un Macron champion de l’absence plus que de la Terre. En somme : d’un côté des peuples désemparés faisant face à une disparition à moyen terme si le réchauffement planétaire dépasse les 1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle ; de l’autre quelques oligarchies financières donnant dans l’antijeu pour attiédir les efforts collectifs de lutte contre le dérèglement ; et témoins de la scène, l’esprit manifestement ailleurs, des pays affichant une apathie moralement insoutenable.

Certes des règles multilatérales d’application de l’accord de Paris ont été entérinées, par contre on était en droit d’espérer des mesures à court terme et de ce côté, c’est la loi du vide qui s’est imposée. (...)

En s’achevant, la conférence de Katowice achève surtout les illusions de celles et ceux qui ont compris ce qui se joue. Les « responsables » ont de la fuite dans les idées – une fuite de gaz à effet de serre. Preuve est faite si cela était nécessaire de leur intolérable lacune de vision et de courage d’une part, d’autre part des verrouillages organisationnels, politiques, institutionnels et financiers qui ferment tous les horizons. Ça ressemblerait à un crime contre l’humanité s’il n’y avait que l’humanité dans la balance. (...)

Allons droit au but : aucune sortie par le haut ne viendra d’en haut. Pour l’instant ça se joue au niveau territorial : seuls les citoyens, les élus locaux, les patrons de PME, les réseaux citoyens et associatifs, les artistes et communicants, les investisseurs aussi, ont le pouvoir de faire évoluer les choses à l’échelle locale sans attendre vainement que ça vienne du politique, en posant au jour le jour les bases de nouveaux systèmes résilients, adaptatifs, désirables, sobres en ressources et en énergie, et dignes : un foisonnement d’autres manières de vivre ancrées dans les territoires. Au niveau politique et diplomatique, c’est verrouillé. (...)

il est facile de constater qu’en dépit des efforts consentis pour une transition énergétique au niveau international, les émissions climato-détraquantes ne cessent d’augmenter. Les grandes conférences onusiennes resteront une fausse piste tant qu’elles consisteront à tenter de résoudre un problème sans gêner le système qui le génère (ce dernier objectif étant le seul à être respecté, notons-le au passage).

On cherche en rond des « solutions » (politiques, réglementaires, normatives, économiques, technologiques...) au « problème » du dérèglement climatique alors que le dérèglement climatique, en réalité, n’est pas un problème. C’est un symptôme. (...)

La transition énergétique ne peut être qu’une des composantes d’une palette de stratégies nettement plus large, systémique, qui s’attaque aux causes primaires plutôt qu’à leurs conséquences. Sinon, le chemin sera différent mais la destination restera la même : un déclin généralisé, et probablement une série d’effondrements sociétaux plus ou moins abrupts.

L’horloge sonne l’heure de la réinvention. À nous de déployer nos plus belles créativités, de proposer des imaginaires inspirants pour que chacun réalise que loin d’être en compétition, lutte sociale et lutte écologique se renforcent.(...)

Travaillons ensemble pour poser les bases d’une société respectueuse de l’altérité sachant s’autolimiter de façon lucide et humble, solidaire et digne.