Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
le Monde Diplomatique
La catastrophe comme occasion
par Natsuki Ikezawa, mars 2012 - Romancier japonais, auteur notamment de La Vie immobile (Philippe Picquier, Arles, 1995), qui a obtenu le prestigieux prix littéraire Akutagawa.
Article mis en ligne le 5 décembre 2012
dernière modification le 2 décembre 2012

A 14 h 46, le 11 mars 2011, le Japon a subi un tremblement de terre qui a ébranlé essentiellement la région du Nord-Est, le Tohoku.

Difficile de transmettre à ceux qui n’en ont pas l’expérience combien cela est effrayant : maisons secouées dans lesquelles les meubles se renversent, magasins où les produits se répandent sur le sol, routes qui ondulent, immeubles qui s’effondrent, voies ferrées qui se tordent, ponts qui s’écroulent.

En France, la terre constitue un socle solide sur lequel s’appuient tous les êtres vivants. L’immobilité : la définition même du sol. Mais il existe dans le monde des endroits où, parfois, le sol s’agite. Le Japon est l’un d’eux.

(...) Le séisme et le raz de marée nous ont fait redécouvrir quatre choses.

La première est que la nature n’existe pas pour les êtres humains. Elle n’est pas non plus malveillante envers eux. Elle est seulement indifférente. On ne peut que se résigner à ces événements provoqués par le destin, si tragiques soient-ils.

La deuxième est que les humains ont la capacité de recommencer. Même ceux qui hurlent de douleur après la perte de leurs proches ou de leurs biens. Un jour vient où ils voient leurs mains se remettre en mouvement pour commencer à déblayer les décombres. Ils peuvent compter sur leur propre force intérieure, mais aussi sur la solidarité « horizontale » de leurs pairs.

La troisième est qu’on ne doit faire confiance ni à l’Etat, ni aux industriels, ni aux experts. Car ils peuvent mentir — soit délibérément, soit sans même s’en rendre compte. Dans le monde actuel, toute confiance « verticale » est déconseillée. Il faut également se méfier de la technologie, dont notre société est si dépendante. La confiance en soi de l’individu moderne, basée sur une technologie soumettant la nature, n’est qu’une illusion. Non qu’on ne puisse se fier à la science ; mais ses applications peuvent être erronées.

La quatrième est qu’une catastrophe peut aussi être une occasion de changement. Violemment secouée et blessée, la société, quand elle se relève, prend une orientation nouvelle. Dans vingt ans, on parlera peut-être de ce qui vient d’arriver comme d’un tournant. Je veux le croire. (...)