
La Turquie, à l’heure présente, édifie un « mur de la honte » sur sa frontière sud pour empêcher que ne débordent sur son propre sol les affrontements faisant rage en territoire syrien entre Kurdes et djihadistes internationalistes en lutte contre les forces régulières de Damas. Une construction donnant lieu à des émeutes de la part des communautés kurdes qui vont se trouver séparées de part et d’autre de la barrière.
Colère faisant suite à celle des turcs alévis qui se sont soulevés dans les zones où affluent les réfugiés syriens, rebelles à l’autorité du régime baasiste de Damas… il et vrai dominé par un clan alaouite, religion cousine de celle pratiquée par les alévis turkmènes et kurdes d’Asie mineure. Une guerre où la Turquie s’est engagée tambours battant, sûre d’un rapide effondrement du régime de Damas. C’était à l’heure où les révoltes du Printemps arabes semblaient ouvrir la voie à l’instauration au sud de la Méditerranée d’une chaîne de gouvernements islamistes tous issus de la matrice des Frères musulman. Une perspective qui encouragea la Turquie dans des ambitions néo-ottomanes soutenues par une réussite économique exemplaire. Las, le pouvoir alaouite ne s’est pas effondré, la guerre est devenue sans issue. L’Amérique s’est alors résignée à renoncer, pour l’heure, à toute intervention directe alors qu’elle engageait des négociations quasi bilatérales avec l’Iran, allié stratégique de la Syrie. Un fait totalement inédit au bout de trois décennies de déni. Mais à présent l’économie turque pâtit durement de l’effort de guerre et du fléchissement de sa croissance - 5% en 20113 soit une perte de quatre points en deux ans et demi de guerre - tout comme elle souffre de l’afflux des réfugiés sur son territoire national.
Aujourd’hui contestations et émeutes se multiplient. Dernièrement, après les manifestations massive du mois de juin à Istamboul, l’agitation a gagné dans la capitale Ankara, fragilisant un pouvoir islamiste pourtant réputé modéré mais qui peu à peu se démasque en limitant les libertés publiques ou en répudiant la laïcité héritée du kémalisme et en imposant par la loi des normes chariatiques.
Malgré son dynamisme économique, la Turquie tend à redevenir « l’homme malade de l’Europe »… Une Europe qui, comme par miracle, vient de reprendre avec Ankara des négociations d’adhésion laissées au point mort depuis plusieurs années. (...)