
Déçu par les atermoiements de l’Union européenne, qui repousse sans cesse son adhésion, Ankara réoriente sa diplomatie vers l’Afrique. En outre, l’atonie des marchés occidentaux incite les entreprises turques à travailler au sud du Sahara. En dix ans, les échanges commerciaux ont triplé, tandis que s’intensifiaient les liens avec les capitales du continent noir. (...)
Fondé en 2005, le Tuskon regroupe près de trente mille sociétés et cent cinquante organisations locales de commerçants. L’organisme est la nouvelle vitrine entrepreneuriale d’un Etat de soixante-quinze millions d’habitants, dix-septième puissance mondiale (2). Les vingt métropoles turques les plus importantes réalisent aujourd’hui plus de 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel à l’exportation : Istanbul, et surtout les grandes cités de l’Anatolie centrale telles que Kayseri, Konya ou Gaziantep.
Depuis 1998, la Turquie s’est relancée sur la scène économique internationale. (...)
Ministre des affaires étrangères d’un gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre Mesut Yılmaz, M. Ismail Cem décide alors de « redéfinir l’identité internationale de la Turquie afin de passer du statut d’allié de l’Occident au rôle actif et constructif d’acteur global ». (...)
Cependant, des problèmes logistiques et les tensions au sein de la coalition au pouvoir empêchent la mise en pratique immédiate du chapitre africain de ce grand virage. (...)
en 2007 : la Turquie organise le sommet des pays les moins avancés (PMA), parmi lesquels figurent trente-trois Etats africains, et s’engage aussitôt à attribuer près de 65 millions de dollars à l’aide au développement d’ici à 2011. A la fin de 2008, l’inauguration du premier Centre de recherche appliquée d’études africaines de l’université d’Ankara clôt une autre année exceptionnelle : quelques mois auparavant, Istanbul avait en effet accueilli la première rencontre internationale sur la coopération Turquie-Afrique, marquée par des conversations bilatérales avec quarante-deux Etats ; à l’automne 2008, Ankara avait obtenu, grâce au soutien de cinquante et un des cinquante-trois pays du continent noir, un poste de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. (...)
L’anémie économique de l’Europe et la crise systémique de la fin des années 2000 ont fait le reste et permis à une nouvelle vague d’entrepreneurs — les « tigres anatoliens » — de s’engager, après le Proche-Orient et l’Asie centrale, en Afrique subsaharienne, sur la voie ouverte par la diplomatie turque. (...)
Les relations diplomatiques et commerciales de la Turquie avec le continent se sont métamorphosées : en l’espace d’une décennie, Ankara a triplé le nombre de ses ambassades et en compte dorénavant vingt-cinq — autant que l’Inde (...)
Sur le versant économique, Ankara compte parmi les membres non régionaux de la Banque africaine de développement (BAD) (6) et envisagerait d’établir d’ici 2019 une zone de libre-échange avec la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), une union douanière entre le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Burundi et le Rwanda. (...)
Affichant les mêmes préceptes que Pékin, Ankara ne s’immisce pas dans les affaires intérieures des pays partenaires. (...)
« Etoile montante » parmi les pays musulmans, selon l’ambassadeur soudanais à Ankara, M. Omer Hidar Abou Zaid, la Turquie serait d’autant plus appréciée qu’elle prend fait et cause pour les Palestiniens, comme l’a mis en lumière son soutien à la « flottille pour Gaza » lancée en 2010 par des organisations humanitaires. Avec le Brésil, elle s’est en outre opposée aux nouvelles sanctions infligées à l’Iran par le Conseil de sécurité de l’ONU en 2010. (...)
« Le rôle de plus en plus important joué en Afrique par une puissance moyen-orientale ayant une orientation islamiste ne peut être ignoré », estime Peter Pham, du National Commitee on American Foreign Policy (...)