
Etre emprisonné c’est devenir l’objet d’un Autre, qu’on le veuille ou pas.
Objet de surveillance, objet de soin parfois, objet de méfiance : toujours...
Là, on gère des hommes comme ailleurs, dans les grands magasins, on gère des stocks.
Etre écroué, incarcéré, entaulé, c’est d’abord être une ’chose’ qu’on manipule et qu’on contrôle. Que d’autres : juges, matons, psychiatres..., manipulent et contrôlent.
Etre ’sous main de Justice’, c’est devenir un matricule, un numéro égaré parmi d’autres matricules, que l’Administration pénitentiaire et ses gardiens tentent, tant bien que mal, de gérer.
En prison entrent des hommes, des femmes, comme ailleurs du ’matériel circulant’ : on remplit des cases, des cellules, des quartiers. On sait bien qu’un jour ou l’autre cette marchandise humaine, il faudra la remettre sur le marché... en liberté. Mais ce n’est pas là le souci principal. D’abord, faut gérer !
On devrait mieux en prendre soin mais...
Parfois, il y a quelques déchets. Il y a les évasions qui sont à la prison ce que la démarque inconnue est pour les grands magasins. Elles sont rares en France : n’est pas Papillon ou Déjour qui veut...
Il y a les morts et les suicides. C’est inéluctable. Certes, on meurt moins en prison qu’à l’hôpital diront les statisticiens. On s’y suicide sept fois plus que dans le reste de la population. (...)
La prison instrumentalise... pas seulement les Détenus (...)
La situation dramatique des prisons en France ne laisse aucun ’choix’ à ses héros, aucune échappatoire.
D’abord, bien sûr, pour les Taulards eux-mêmes. Mais eux, ne sont là que pour la figuration. Presque, ils font partie du décor : ils sont comme des pierres dans les murs...
Il y a les divers officiants aussi : les surveillants d’abord - qui ne diront mot, droit de réserve oblige - mais qui n’en pensent pas moins... à moins qu’ils bloquent l’entrée du théâtre !
Et puis les médecins, infirmier(e)s, psychiatres et autres psychologues, tels des serviteurs thanatologues en blouse blanche, qui traversent la scène...
Les aumôniers enfin pour dire une dernière prière...
Il en faut bien du monde pour une tragédie !
Chacun y joue son rôle, plus ou moins bien, avec plus ou moins de coeur ou de courage. Mais de toute façon, les rôles sont déjà tout écrits. Ils ne jouent pas vraiment, savez-vous : ils exécutent, ils s’exécutent.
La Prison instrumentalise aussi le débat public (...)