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La Grèce se meurt, la Grèce est morte ?
par Caroline Courson vendredi 31 août 2012
Article mis en ligne le 31 août 2012

« Les forces vives du monde entier s’éveillent d’un long sommeil. La Grèce est au centre de cette violence d’un monde à créer, appelée à supplanter la violence absurde d’un monde fasciné par le progrès de son autodestruction. » Raoul VANEIGEM

« La Grèce a fait de moi un homme libre et entier » Henry Miller

« Les empires ne retiennent pas les leçons de l’histoire » Noam Chomsky

Timeo Danaos (Prenez garde aux grecs)

Depuis des mois interminables que je joue les Cassandre en hurlant « Ellas Ellas » pour la Grèce, je préviens d’abord les économistes distingués que ceci n’est pas un article documenté sur un assassinat financier honteusement orchestré par la Troïka (je suis bien incapable de décortiquer la situation avec chiffres sérieux et démonstrations de haute voltige à la clé !), simplement un grand cri d’amour et d’angoisse mêlés pour la patrie de mes aïeux, face au désastre annoncé d’un torrent furieux que l’on voit arriver, enfler, gonfler, déborder jusqu’à la précipitation inéluctable vers la catastrophe et le chaos finals tels qu’ils se produisaient dans toutes les tragédies antiques.

Oui, la Grèce est en train de mourir – dans l’indifférence la plus totale de tous les pays d’Europe (bonjour la solidarité que nous avait promise Maastricht !) ou, pire, au milieu d’attaques en règles bien orchestrées par les médias contre cette contrée de feignants, de tricheurs, de voleurs qui savent rien que noyer leur chagrin dans du Ricard frelaté pendant que le bateau coule, et si leur incurie entraîne toute la zone euro dans sa chute et qu’on est tous dans la merde ça sera bien leur faute, on n’avait pas besoin d’eux après tout (résumé concis des conversations matinales chez ma boulangère les jours, rares, où un J.T. inconscient rompt le silence en tirant la sonnette d’alarme). (...)

On voit les misères multiples provoquées par le piège de l’austérité carabinée, un « mormorandum » qui atteint son niveau de tolérance maximum ; des retraités sans retraites, le salaire des fonctionnaires divisés par deux, et les suicides multipliés d’autant.

Athènes en perdition transformé en champ de ruines sociales ; les commerces en faillite, les hôpitaux en souffrance, les grévistes en combat héroïque ; les jeunes diplômés sans futur grimpant sans retour dans des charters australiens.

Des manifestations qui tournent à l’émeute, des policiers désemparés, des arrestations violentes d’immigrés clandestins.

Des SDF par milliers qui finissent par trouver refuge, sous des cartons, dans des théâtres antiques, puissant symbole d’un monde qui naufrage.

Des enfants affamés qui tapent sur des casseroles pour occuper leurs nuits d’angoisse.

On voit des magasins sans marchandises, des écoles sans cahiers, des malades sans soins ; des musées sans gardiens, des trésors oubliés, une mémoire pillée.

La lutte quotidienne est épicière et les lendemains, parfois, se trouvent au fond des poubelles.

On voit la place Syntagma écartelée entre symbole politique du pouvoir et contestation en longs défilés rageurs ; Exarcheia survolté, Plaka dévasté et Omonia transformé en ghetto de pauvreté ; les îles (jadis paradisiaques) boudées par les touristes, les potagers salvateurs qui fleurissent et les poulaillers comme ultime recours à la disette.

On voit trop de souffrances et trop de larmes. (...)

Seule petite note positive : l’étymologie du mot « crise ». Du grec « krisis », décision importante, choix, jugement, renvoyant à l’idée du moment-clé où tout doit se décider. Dans la pensée ancienne, cette notion sous-entendait le libre-arbitre de l’être et la souveraineté de son jugement critique, c’est-à-dire une opportunité plus qu’une malédiction. C’est une remise en question de soi-même (qui suis-je, que vais-je faire de ma vie ?), un ensemble de contractions débouchant sur une re-naissance salvatrice, un entre-deux fécond qui relance la créativité et devient la source de nombreux possibles. (En même temps, allez dire ça à quelqu’un qui n’a rien mangé depuis trois jours ?) (...)