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Mediapart
La France refuse de délivrer un visa à une journaliste afghane bloquée en Iran
#iran #MahsaAmini #IranRevolution #repression #femmes #afghanistan #France
Article mis en ligne le 9 mars 2023
dernière modification le 8 mars 2023

Susan*, dont le mari est réfugié en France, n’avait pas pu profiter des convois humanitaires organisés en août 2021 pour fuir son pays. Aujourd’hui à Téhéran, elle risque d’être renvoyée en Afghanistan dans les prochains jours, alors que sa vie y est menacée.

ChaqueChaque minute qui passe est une torture pour Khaled Nikzad. Depuis plusieurs mois, depuis le logement qu’il occupe à Belfort, ce réfugié afghan cumule les courriels et alertes adressés aux autorités françaises : le ministère des affaires étrangères d’abord, puis le cabinet d’Élisabeth Borne, première ministre, ou encore le cabinet d’Emmanuel Macron. Il se bat pour sauver Susan*, sa femme, journaliste, afghane, coincée en Iran depuis la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan en août 2021. En vain.

Comme le racontait aussi L’Est républicain, Susan risque d’être expulsée par l’Iran vers l’Afghanistan dans les jours qui viennent, alors que sa vie y est menacée. « Je suis désespéré. Tellement inquiet de ce qui pourrait lui arriver. La police est déjà partie chercher ma femme et ils lui ont acheté un billet d’avion pour Kaboul », confie Khaled Nikzad, qui avait pu, en août 2021, bénéficier des convois humanitaires organisés via un gigantesque pont aérien par la France pour évacuer quelques milliers de réfugié·es afghan·es après l’arrivée des talibans.

« Ma femme n’a pas pu quitter l’Afghanistan pendant les opérations d’évacuation à cause des mouvements de foule autour de l’aéroport de Kaboul. Le 26 août, elle a perdu tous ses documents dans la grande explosion qui a eu lieu à l’aéroport. » (...)

Dans le document que nous avons consulté, en date du 18 octobre 2022, l’ambassade de France notifie le refus de délivrance d’un visa en arguant que Susan n’a « pas justifié de son identité ou de sa situation de famille ». Khaled Nikzad affirme pourtant avoir fait en sorte que son épouse fournisse tous les documents nécessaires à l’étude de sa demande.

Mais il ajoute : « En Afghanistan, les femmes journalistes utilisent souvent un pseudo, et c’est peut-être cela qui a posé problème lors de l’examen de la demande. Mais le Comité pour la protection des journalistes afghans [Afghan Journalist Safety Committee, AJSC – ndlr] a confirmé dans un document officiel que ma femme utilisait bien un autre nom dans le cadre de son travail. » L’homme a saisi, dans la foulée, le tribunal administratif de Nantes, qui suspend alors la décision prise par les autorités consulaires françaises en Iran. (...)

Il enjoint au ministère de l’intérieur de réexaminer la demande de visa sous huit jours, et celui-ci préfère faire la sourde oreille. Khaled Nikzad saisit le tribunal une seconde fois, fin janvier 2023, qui enjoint à nouveau au ministère de procéder à un nouvel examen de la demande, sous quinze jours cette fois.

« Je ne comprends pas pourquoi le ministère de l’intérieur ne réagit pas après ces deux décisions de justice », s’agace Khaled Nikzad, qui a alerté ses services dès juin 2022, comme en attestent plusieurs réponses formulées par le ministère, que nous avons pu consulter. (...)

Lire aussi :

 Communiqué LDH

Khaled Nikzad, journaliste en Afghanistan, a fui Kaboul en 2021 lors de l’arrivée au pouvoir des Talibans et a obtenu l’asile en France en tant que réfugié politique. Depuis, il se bat pour sauver la vie de son épouse, journaliste également, qui n’a pas pu partir avec lui, et contre la décision du ministère de l’Intérieur qui refuse de lui délivrer un visa.

Cette dernière a trouvé refuge en Iran dans l’espoir d’obtenir des autorités françaises un visa de réunification familiale. Sa demande a néanmoins fait l’objet d’un refus, refus maintenu par le ministère de l’Intérieur en dépit des deux ordonnances rendues par le tribunal de Nantes. Cette journaliste va donc être renvoyée en Afghanistan ce vendredi 24 février, où sa vie est menacée.

Alors qu’Emmanuel Macron souligne que la France est l’un des pays qui accueillent le plus de personnes afghanes et leur donnent le plus de protection, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) demande au gouvernement d’agir urgemment pour qu’un visa humanitaire lui soit délivré avant son expulsion d’Iran vers l’Afghanistan, où elle risque non seulement des persécutions mais aussi sa vie, tant comme femme que comme journaliste.

Paris, le 23 février 2023