
Le vent souffle fort, les ferrys restent parfois à quai mais enfin et surtout, les températures remontent. On éteint alors le chauffage, notamment en Grèce du Sud, d’ailleurs lorsqu’on en dispose. La seule lumière et son Acropole pour éblouir, des petites rues qui y mènent, et qu’elles sont en pente bien rude, brisées de temps en temps par un escalier. On n’y trouvera certes plus ces ateliers de tisseurs comme encore dans les années 1950, mais au plus haut de l’escalier, la première colonne des Propylées se tient toujours debout devant les visiteurs déjà nombreux. 25 mars la fête nationale, puis Pâques le plus grand moment pour le monde Orthodoxe, et au bout, ce sera l’été grec, seule parade encore incontestable aux yeux du pays réel.
Vent et alors tempête, dans un verre d’eau saumâtre pour ce qui est des politiciens et de leurs bouffonneries électoralistes. Au pays jadis “de la nuance et du sourire, de la grâce dépouillée de toute mollesse, des plaisirs vigoureux bien tempérés par la vertu”, d’après les écrivains voyageurs d’il y a un siècle, l’hybris et alors le ridicule dominants, indiquent très exactement cet état de ruines, ruines des choses, ruines des dogmes, ruines des institutions qui ne sont point que l’œuvre d’un cataclysme unique et fortuit, pour à peine paraphraser Lucien Rebatet, l’écrivain talentueux et autant maudit rien que pour ses positions ténébreuses, indéfendables durant les années 1940. (...)
“Dans ce monde qui va en se rétrécissant, chacun de nous a besoin de tous les autres. Nous devons chercher l’homme, partout où il se trouve. Quand, sur le chemin de Thèbes, Oedipe rencontra le Sphinx qui lui posa son énigme sa réponse fut : l’homme. Ce simple mot détruisit le monstre. Nous avons beaucoup de monstres à détruire.”
Pourtant en 2019 nous en sommes toujours, et pis encore ; ce blog est autant à sa manière “la chronique du long glissement, des écroulements successifs qui ont accumulé ces énormes tas de décombres.” Il y a cependant de la dignité au beau milieu des ruines. Le vieux chanteur des années 1970 et de la musique populaire place Sýntagma, lequel de karaoké en karaoké, complète-il comme il peut sa bien maigre retraite. Ceux qui mettent à la disposition gratuitement d’autres fidèles cette petite iconostase portative “propre et nettoyée au désinfectant”... histoire de laisser prendre à chacun pour son usage une chose, ou plutôt, le réconfort dont il a besoin. Dignité qui s’indigne même et qui coure alors autant les rues que les esprits : “Soulevez-vous, les politiques nous ont trahis”. (...)
Nous ne serions plus, ni dans la géopolitique, ni même dans la communication ; nous sommes à la jointure finale d’un cycle métahistorique, là où les forces suprahumaines développent leur élan ; évidences qui ne sont pourtant pas fatales, et que ce blog a pu saisir au vol... et à ses dépens, dès les débuts de la dite crise grecque.
Difficultés encore, temps long et maigre, historicité qui se traîne. Vous connaissez bien entendu les nombreux arguments que Greek Crisis, qui ne dispose d’aucun autre soutien que celui de ses lecteurs, peut avancer pour solliciter ce soutien. Nous sommes dans des temps toujours plus déterminants, de plus en plus cruciaux, chaque mois plus décisif que le mois précédent, et alors même, le chauffage éteint. (...)