
L’éventualité d’une enquête de la CPI sur les actions tant des FDI que du Hamas à Gaza est devenue le champ d’une bataille politique à hauts risques.
(...) la question de savoir si la CPI pouvait, ou devait, ouvrir une enquête a aussi divisé la Cour de La Haye elle-même.
Une enquête de la CPI pourrait avoir un impact considérable. Il ne s’agirait pas seulement d’examiner les présumés crimes de guerre commis par l’armée israélienne, le Hamas et d’autres militants islamistes au cours des récents combats à Gaza qui ont fait environ 2000 morts, dont des femmes et des enfants. Il s’agirait aussi d’aborder la question des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, et pour lesquelles la direction israélienne serait tenue responsable.
La charte fondatrice de la CPI, le Statut de Rome de 1998 (http://www.icc-cpi.int/nr/rdonlyres/6a7e88c1-8a44-42f2-896f-d68bb3b2d54f/0/rome_statute_french.pdf), définit comme crime de guerre « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe » (article 8.2.a.viii).
Est également en jeu l’avenir de la CPI elle-même, une expérience de justice internationale qui occupe une position fragile, sans aucune superpuissance pour la soutenir. La Russie, la Chine et l’Inde ont refusé d’y adhérer. Les États-Unis et Israël ont signé le Statut en 2000 mais ont retiré leur signature par la suite.
Certains avocats internationaux affirment qu’en essayant de se dérober à une enquête, la CPI ne se porte pas à la hauteur des idéaux exprimés dans le Statut de Rome, selon lesquels « les crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale ne sauraient rester impunis. » (préambule) (...)
La pression occidentale sur la CPI pour qu’elle reste à l’écart du problème a provoqué de profondes divisions au sein même du bureau de la procureure. Selon certains anciens fonctionnaires, les Palestiniens ont été induits en erreur en 2009 en croyant que la requête pour une enquête pour crimes de guerre – à la suite de l’offensive israélienne contre Gaza, baptisée Plomb durci – resterait recevable dans l’attente de la confirmation de l’État en devenir. Cette confirmation est venue en novembre 2012 quand l’Assemblée générale des Nations-Unies a décerné à la Palestine le statut d’État observateur non membre, mais l’enquête n’a pas été lancée.
Bensouda, au départ, semblait ouverte à l’examen de la requête palestinienne en instance, mais l’année suivante, elle publiait une déclaration controversée disant que le vote de l’AG de l’ONU ne changeait en rien l’ « invalidité juridique » de la requête de 2009.
Luis Moreno Ocampo, procureur à l’époque de la déclaration palestinienne de 2009, a soutenu Bensouda, écrivant dans un courriel au Guardian : « Si la Palestine veut accepter l’autorité de la Cour, elle doit présenter une nouvelle déclaration. »
Mais un autre fonctionnaire du bureau de la procureure de la CPI, qui a traité la déclaration palestinienne, est fortement en désaccord. « Ils essaient de se cacher derrière un jargon juridique pour dissimuler ce qui est une décision politique, pour échapper à la compétence et ne pas être impliqués, » dit ce fonctionnaire.
Pour Dugard, Bensouda a été sous une forte pression des États-Unis et de leurs alliés européens. (...)
« Il y a une pression énorme pour ne pas procéder à une enquête. Cette pression s’est exercée sur le Fatah et sur le Hamas, mais aussi sur le bureau de la procureure, » dit Devers. « Dans les deux cas, elle prend la forme de menaces aux aides financières, pour la Palestine et pour la Cour pénale internationale ».
Parmi les plus grands contributeurs au budget de la CPI, on trouve le Royaume-Uni et la France, l’un et l’autre ont cherché à persuader les Palestiniens de renoncer à une enquête pour crimes de guerre.