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La Corrèze a lancé le massacre des arbres
Article mis en ligne le 3 avril 2018

Protéger le bitume des gouttes d’eau et déployer la fibre optique. Ce sont les raisons invoquées par le conseil départemental de Corrèze pour enjoindre aux propriétaires d’arbres surplombant les routes de les élaguer. Un abattage massif a commencé, mais les opposants à cette politique se mobilisent.

(...) couper des branches n’est pas à la portée de tous. Les services de la société Corrèze élagage coûtent jusqu’à 3.000 euros le kilomètre. L’entreprise De branche en branche, qui regroupe des arboristes-grimpeurs, donne quant à elle une base de 350 euros pour 7 heures de travail.

Compte tenu de tels chiffres et aussi parce que les professionnels ne peuvent répondre à toutes les demandes dans la période propice à l’élagage (l’hiver) et avant le début du mois de mars, une grande partie des personnes concernées préfèrent renverser les arbres. C’est le cas de Yves Vialney, forestier à Sarran : « Cela détruit le paysage, mais je n’ai pas le matériel. J’ai un feuillu qui fera du bois de chauffage et les douglas, je les vendrai à une entreprise. » Olivier Joye, agriculteur à Uzerche, a tronçonné un chêne centenaire. Il explique son geste : « Dans deux ans, il aurait repoussé et on aurait été obligé de couper à nouveau. Il faut accepter la loi » ; mais sans l’injonction du département, « on l’aurait laissé debout puisqu’il était élagué pour que les voitures passent ». Dans le courrier du mois de décembre, seuls les propriétaires forestiers se sont vu proposer une aide financière et un délai plus long s’ils acceptaient de grouper leurs travaux par le biais d’associations afin de valoriser leurs boisements.

Disparition de corridors écologiques

Résultat : d’après de nombreux observateurs et habitants de la Corrèze, de vieux arbres encore sains sont taillés en pièces et des haies sont rasées aux quatre coins du département, aucun bord de route ne semble épargné.

Le conseil départemental a certes le droit, en vertu de la loi pour une République numérique et du Code de la voirie, d’exiger des propriétaires qu’ils élaguent les branches au-dessus de la chaussée. Mais cela entraîne des problèmes que les élus n’ont pas anticipés, à commencer par la disparition de corridors écologique (...)

Du côté du patrimoine, des forestiers, dans la précipitation, procèdent parfois à des coupes illégales. C’est le cas au village d’Aubazine, où un peuplement naturel de pins maritimes, à proximité immédiate d’un site classé aux monuments historiques, s’est vu amputé de cinq résineux qui avaient plus de 50 ans. L’architecte des bâtiments de France, par la voix de la préfecture, assure qu’aucune demande d’autorisation n’avait été déposée.

« Peut-être qu’il y a eu un problème d’interprétation »
Jean-Marie Taguet, vice-président du conseil départemental chargé du dossier élagage, se montre préoccupé par la situation : « Le premier courrier, c’était pour faire réagir les gens. On voulait leur dire, on veut savoir ce que vous allez faire, et ensuite il y a le temps. On ne va pas demander à tous les Corréziens de tout élaguer d’ici un mois, il faut préserver l’arbre par rapport à la montée de la sève, on ne peut pas bousculer la nature, c’est logique. Peut-être qu’il y a eu un problème d’interprétation. » (...)

au fur et à mesure de l’avancée des opérations, le département se heurte à une opposition de plus en plus vive. Une pétition, lancée sur internet il y a un mois, a rassemblé plus de 18.000 signatures contre ce que le collectif de personnes intitulé Défense de l’environnement arboré des routes du Limousin appelle un « massacre organisé ». (...)

Guy Puyfaucher, dirigeant d’une scierie en bordure de la D54, reçoit de nombreux appels — « pas tous les jours mais presque » — pour couper et enlever du bois. Toutefois, il ne cache pas son mécontentement : « Je refuse. Il y a des arbres dangereux, c’est sûr, mais de là à tout faire raser, je ne suis pas d’accord. On défrise le paysage. Les arbres qu’on coupe ne feront plus écran sur les routes et le vent prend de la puissance. On se plaint qu’il y ait des tempêtes, mais on a rien compris. »

Depuis octobre, un collectif de 15 élagueurs grimpeurs a aussi rejoint le mouvement de contestation et refuse depuis tout chantier en bord de route. (...)