
La semaine dernière, la Commission européenne a retiré de la Toile une vidéo dans laquelle l’Europe, incarnée par une femme blanche, est menacée par trois hommes, un asiatique, un "oriental" et un Noir. Racisme grossier ? Le porte-parole de l’institution plaide la bourde naïve et parle de méprise.
L’asiatique, bien entendu, fait des kata, il a probablement un nunchaku planqué dans la chaussette ; l’indien, genre sikh aux yeux de charbons, est barbu, enturbanné et manie le sabre tel un coupeur de tête ; quant au Noir, doté d’une musculature qui ne va pas sans rappeler celle des fauves de la savane, il est agile et grimpe partout. Un peu comme un léopard.
L’Europe, elle, est une femme, belle, douce et multiple (tant qu’à faire). Si douce et multiple qu’à la fin, elle entoure ces barbares agressifs et les fait asseoir. En fait, ils ont bien compris, que s’ils ne s’exécutent pas, elle va les niquer, cette jolie blanche qu’ils s’apprêtaient probablement à violer tous les trois parce qu’ils ont ça dans le sang, la violence contre les femmes, alors que nous, non, la preuve l’Europe est une femme. (...)
Ce stupéfiant petit film, bourré de stéréotypes racistes et essentialistes a été pensé, réalisé puis mis en ligne le vendredi 2 mars par les communicants de la délégation générale de l’élargissement de l’Union européenne de la Commission de Bruxelles. Face au tollé soulevé, il en a été retiré le mardi suivant, 6 mars. Le temps de faire un petit buzz sur Internet mais sans que la presse, en tout cas française, n’en fasse vraiment ses choux gras. (...)
Une institution telle que l’Europe aurait pu en profiter pour se demander si elle est fondée à se comporter comme le vulgaire service commercial d’une entreprise en raisonnant en terme de "public ciblé" à qui on propose ce qu’il est censé attendre en faisant fi des dimensions politique et éthique du message ; Elle pourrait aussi faire un peu d’introspection : quels que soient les arguments avancés, ce film témoigne bien de l’enracinement profond dans certains esprits (en l’occurrence européens) de la conviction d’appartenir à une civilisation supérieure. Mais visiblement, du côté de Bruxelles, l’affaire de la "vidéo raciste" n’a pas suffit à mettre ces questions sur la table.