Il y a dix ans, le 9 juillet 2004, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a remis un avis juridique au sujet du Mur que construisait Israël au-delà de la ligne verte, dans les territoires palestiniens occupés : négatif. Elle rappelait l’illégalité de la politique de colonisation israélienne |1|, un Etat occupant ne pouvant transférer une partie de sa population dans les territoires occupés. Elle ajoutait : tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation (...).
En 2005, Israël a, certes, contraint les colons d’évacuer Gaza mais en continuant d’encourager la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et de briser militairement tout mouvement de contestation des Palestiniens (y compris non violente), multipliant sans compter les tirs, les assauts des villages, les enlèvements d’enfants, la capture de prisonniers |2|...
De leur côté, quelque 170 organisations de la société civile palestinienne, se basant sur l’expérience qui avait contribué à mettre fin au soutien des gouvernements à la politique d’apartheid en Afrique du Sud, ont lancé la même année l’Appel BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions) pour, de manière non violente et sans racisme, contraindre Israël à mettre fin à l’occupation, au traitement discriminatoire des Palestiniens des territoires de 1948 et à respecter le droit au retour des réfugiés palestiniens (résolution 194 de l’ONU). Un appel qui a donné lieu à de plus en plus d’interpellations politiques, d’actions et de mobilisations, surtout après l’opération militaire israélienne Plomb durci sur Gaza (hiver 2008-2009) et celle de la flottille de la liberté qui tentait en 2010 de rompre le blocus imposé depuis 2007 aux Palestiniens de Gaza... |3| (...)
Alors que l’UE est la plus grande puissance commerciale au monde et un partenaire commercial très important pour Israël, elle n’a jamais fait de véritable pression pour qu’Israël respecte les clauses inscrites dans ses propres traités. Au contraire, elle a rehaussé ses accords avec Israël juste avant l’opération Plomb durci sur Gaza et conclu début 2013 un accord ouvrant toutes grandes les portes de son immense marché à un tas d’entreprises israéliennes (accord ACAA sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels) |6|. (...)
campagne « Made in Illegality », même si elle ne concerne « que » l’économie des colonies (et surtout la situation en Cisjordanie et Jérusalem-est, donc pas le blocus de Gaza, les expulsions des Bédouins du Negev, le droit au retour des réfugiés), ne doit pas être minimisée |10|. Au contraire, il faut s’y impliquer, activement. Elle ne se résume pas à la pétition et elle ne doit pas se transformer en débat sur « comment mieux étiqueter les produits des colonies » - en continuant à les vendre - sous prétexte que les consommateurs ont le droit de connaître l’origine des produits qu’ils achètent et de faire leurs choix « en connaissance de cause » ou que ce serait « un premier pas vers l’interdiction ». Non : il faut viser l’interdiction directe. Cet arrangement technique serait une manière très choquante de la part des Etats de rendre licite, de blanchir le crime de pillage colonial rendu possible grâce à l’occupation militaire - illégale - de la Cisjordanie et de Jérusalem-est.
Encore faut-il se rendre compte de ce que signifie vivre sous occupation militaire pour les Palestiniens qui doivent résister à l’expulsion, aux démolitions de leurs maisons déclarées « illégales », à la destruction de leurs vergers, à l’arrachage des oliviers, à l’écrasement des serres, à des ordres militaires, aux risques d’enlèvements, d’emprisonnement... pendant que les colonies s’étalent de plus en plus sur leurs terres volées. Voilà ce qui serait ainsi blanchi !
Une simple mesure d’étiquetage ne permet pas de mettre fin à la complicité des Etats et des sociétés avec l’économie coloniale, surtout quand il n’y a pas de loi ni de contrôle, comme en Grande-Bretagne où le gouvernement a proposé il y a quelques années aux sociétés distributrices d’indiquer correctement l’origine des produits - sur base volontaire ! - afin que tout, en apparence, rentre dans l’ordre pour le prétendu bonheur des clients et des chaînes de distribution... Sans oublier que de nombreux produits agricoles des colonies sont mélangés à d’autres par les sociétés israéliennes, avant l’exportation |11|.
Une loi permettrait au moins de sanctionner comme il se doit des pratiques commerciales et financières frauduleuses et/ou criminelles et permettrait aux institutions étatiques, aux entreprises, aux associations d’être un peu plus crédibles quand elles évoquent l’importance de la démocratie, des droits humains et de la légalité.
Enfin, participer à cette campagne n’empêche absolument pas, on le comprend, de poursuivre la mobilisation dans le cadre de BDS, c’est complémentaire et même absolument nécessaire.