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« La 5G cristallise un paquet de colères »
Article mis en ligne le 10 septembre 2020

Avec la connexion surpuissante du prochain réseau de téléphonie mobile, on pourra dans les années qui viennent télécharger un film entier en quelques secondes. Un progrès ? La 5G ouvre surtout la porte au monde déshumanisé du tout connecté, où chaque objet qui nous entoure pourra jouer les mouchards et renseigner l’industrie sur le moindre de nos comportements. Ce qui n’a pas l’heur de plaire à tout le monde... Entretien avec Nicolas Bérard, journaliste au mensuel écologiste L’Âge de faire et auteur du livre-enquête 5G mon amour

Qu’est-ce que la 5G ?

« C’est le réseau mobile de cinquième génération. Le premier date des années 1980, le deuxième des années 90. Dans les années 2000, on est passés à la 3G. C’est à cette époque-là que s’est produit le boum de la téléphonie mobile. La 4G, au début des années 2010, a correspondu à la généralisation des smartphones permettant de regarder des vidéos en ligne.

Si la 5G représente une rupture, c’est parce qu’il ne s’agit plus seulement de faire fonctionner nos téléphones, mais de connecter les objets qui nous entourent. Un document de la Commission européenne table sur 75 milliards d’objets connectés d’ici 2025. Cependant, rien ne dit que les industriels arriveront à mener à bien ce plan, parce que les gens ne semblent pas adhérer à ce modèle autant que prévu. » (...)

Il s’agit de construire un monde où tout est relié, où chaque marchandise peut être tracée du début à la fin. Ça s’inscrit aussi dans le projet smart city [2], avec des voitures autonomes censées fonctionner toutes seules, etc. C’est vraiment un projet global de société. »

Un projet qui a des aspects franchement inquiétants, notamment en termes de surveillance…

« Selon une étude réalisée par l’entreprise étatusienne Gartner, au cours des trois premières années du réseau 5G, 70 % des objets qui y seront connectés seront des caméras de vidéosurveillance [3] – l’idée étant évidemment d’y adjoindre, par la suite, la reconnaissance faciale.

Sans même passer par l’image, la surveillance sera omniprésente, dans le monde du travail par exemple. Avec les technologies actuelles, un chauffeur de poids lourd peut déjà être pisté en permanence : son patron peut savoir quel itinéraire il a pris, où et quand il fait une pause, etc. La 5G risque de généraliser ce phénomène (...)

Chose assez rare en ce qui concerne un « progrès » technique, un mouvement d’opposition à la 5G commence à émerger. Cette fronde rappelle celle suscitée par le compteur connecté Linky, au sujet duquel tu as également écrit un livre [4]. Comment expliquer ce surgissement ?

« Déjà, il y a un vrai problème démocratique. C’est ce qui s’est passé avec Linky : quand les gens ont vu débarquer ce compteur, ils ont commencé à se renseigner et en creusant, en se réunissant, en discutant, ils se sont rendu compte qu’un monde était en train de se mettre en place, impulsé par nos dirigeants et toute la technostructure. Ce monde, c’est en gros celui de la smart city : un vrai projet de société, au sujet duquel la population n’a jamais été concertée ni même informée. On l’a entraînée sur ce chemin sans lui laisser le choix, comme si c’était une marche naturelle. De ce constat est née une résistance, que la technostructure a tenté de faire taire, en passant en force : Enedis a sommé ses installateurs de poser coûte que coûte les Linky, quitte à casser les cadenas posés sur les anciens compteurs par les récalcitrants.

Aujourd’hui, beaucoup des collectifs anti-Linky sont passés à la lutte contre la 5G, qui est la continuité de ce compteur connecté : c’est encore et toujours le monde de la smart city. Or il y a réellement un ras-le-bol du numérique. Les gens n’ont plus le choix : pour déclarer ses impôts, il faut passer par internet ; réserver un billet de train sans connexion devient la croix et la bannière ; au niveau professionnel aussi, l’informatique prend de plus en plus de place. Dans pas mal d’entreprises, les employés perdent peu à peu la main sur ce qu’ils font. Leurs moindres faits et gestes pouvant être surveillés, ils perdent toute autonomie, toute capacité d’initiative, devenant de simples exécutants, des robots au service de leur boîte. »

Ce rejet de la 5G, c’est donc en fait celui du monde qui va avec ?

nous sommes nombreux à avoir déjà l’impression d’aller beaucoup trop vite.

Et puis il y a la déshumanisation. C’est l’exemple type du facteur dont la tournée est construite par un algorithme et qui n’a plus le droit de s’arrêter boire un café chez les gens à moins qu’ils aient payé pour ça (...)

Au final, on peut tout à fait considérer que la 5G est un grand projet nuisible, inutile et imposé, comme l’a été l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. »

Un autre point particulièrement flippant, c’est l’aspect global de la 5G. Google, Amazon et Elon Musk (patron de Tesla) projettent d’installer des antennes-relais dans la stratosphère pour qu’il n’y ait plus un seul mètre carré de la planète qui reste hors réseau… (...)

Question surveillance et liberté, le 1984 de George Orwell est complètement dépassé. (...)

Et en termes d’écologie ?

« C’est une aberration. Pour mettre en place le réseau 5G, il va falloir aller chercher des matières premières, puis dépenser énormément d’énergie pour le faire fonctionner. Ensuite, nous allons être poussés à renouveler tout notre matériel : on sera censés acheter de nouveaux smartphones compatibles 5G, des frigos connectés qui nous diront s’il n’y a plus de yaourts, des oreil lers connectés qui nous indiqueront si on a bien dormi, etc. Et tout ça au nom d’un monde dont pas mal de gens ne veulent absolument pas ! Un monde de contrôle, de surveillance, qui consiste à aller toujours plus vite. Un monde de compétitivité aussi, parce que c’est le discours que ses promoteurs tiennent (...)

En quoi la 5G va-t-elle augmenter notre exposition aux ondes ?

« Sur cette question, je pense qu’il faut partir d’un constat : beaucoup de gens disent souffrir des ondes. Même s’il est difficile de quantifier le phénomène, c’est un fait et une agence sanitaire comme l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail] reconnaît que ces personnes existent et qu’il y en a de plus en plus.

Avec la 5G, on va doubler le nombre d’antennes telles qu’on les connaît actuellement (...)

on parle d’en mettre une tous les 100 mètres en milieu urbain.

Tout cela va forcément augmenter l’épaisseur du brouillard électromagnétique, que certaines personnes ne supportent déjà plus. C’est d’autant plus problématique qu’on ne dispose d’aucune étude sur les effets sanitaires potentiels, sachant que la 5G a recours à des fréquences d’ondes différentes de celles utilisées actuellement (...)

Des études très sérieuses, notamment celles financées par de l’argent public, montrent que les ondes peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Mais en parallèle, une palanquée d’études réalisées par des instituts privés financés par les opérateurs semble montrer l’inverse. À mon sens, un scientifique étudiant honnêtement la littérature scientifique disponible aujourd’hui ne pourrait pas affirmer que les ondes n’ont pas d’effet sur la santé. Après, il reste à savoir quelle est la gravité de ces effets. Un indice : un programme de recherche public étatsunien – le National Toxicology Program – a récemment conclu chez les rats à l’existence d’un lien certain entre l’exposition à des ondes électromagnétiques de type téléphonie mobile et le développement de schwannomes – une sorte de tumeur. » (...)

Il faut également signaler qu’au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, une taxe destinée à financer de la recherche publique sur les ondes électromagnétiques a été supprimée... Or, s’il y a un domaine où il est particulièrement important de faire de la recherche publique, c’est bien celui-là. »

Ecouter sur France Culture (14’)
Un rapport attendu sur les effets de la 5G sur la santé
Le gouvernement prendra-t-il en compte les études scientifiques et environnementales sur les risques potentiels de la 5G ? Alors que le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, affirmait vendredi qu’aucune question de santé n’est soulevée par la 5G, un rapport doit être remis ce lundi au gouvernement.

Les téléphones 5G vont se déployer en France dès la fin 2020 sur une nouvelle gamme de fréquences. D’ici très peu d’années, cette "cinquième génération" de technologie sans fil doit utiliser ce que l’on nomme des "ondes millimétriques". Or, on ignore l’effet de ce type de radiofréquences sur la santé. (...)