
Suite aux événements qui ont provoqué la mort de Rémi Fraisse dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, la Ligue des droits de l’Homme a constitué en novembre 2014 une Commission d’enquête citoyenne visant à recenser systématiquement les faits liés à cet événement, à analyser son contexte et à porter ainsi un éclairage sur les conditions qui ont conduit à la mort de ce jeune militant écologiste sur le site de Sivens.
Mobilisant une vingtaine de personnes, cette Commission a procédé, sur la période d’une année, à une trentaine d’auditions sur les lieux même de l’événement et à proximité, auprès de personnes ayant été directement ou indirectement les protagonistes de ce drame, qui ont bien voulu répondre à ses questions (« zadistes », responsables associatifs, élus, témoins directs des événements du 25 octobre et de la période qui les a précédés). Ce travail a été complété par la lecture et le visionnage critiques de l’ensemble des écrits et documents audiovisuels publics et privés disponibles concernant cette affaire.
Le rapport s’attache à l’historique du projet de barrage, aux conditions de gestion du dossier et de la décision publique, ainsi qu’au jeu des différents acteurs impliqués. Dans une deuxième partie, il considère l’ensemble des violences commises sur le site dès la mise en œuvre du chantier, tant celles commises sur les forces de l’ordre que celles perpétrées par ces dernières à l’encontre des opposants au barrage. Le rapport examine de façon particulière le contexte spécifique du décès de Rémi Fraisse et particulièrement les conditions d’intervention des agents et des autorités responsables du maintien de l’ordre. Enfin, il revient sur ce qu’ont été les réactions des autorités étatiques et judiciaires dans les heures et les jours qui ont suivi cette mort.
Se décalant très sensiblement des informations et des rapports précédents qui ont pu être diffusés durant toute la période considérée, et à l’occasion même des faits, ce rapport d’enquête les éclaire d’un jour original en les passant tant au crible du droit qu’à celui des pratiques démocratiques et citoyennes. Il se conclut par une série de préconisations, à partir de l’analyse critique développée.
Abstract - Rapport sur les conditions ayant conduit à la mort de Rémi Fraisse
(...) Que nous apprend-il ? Il revient tout d’abord au point de départ du drame, à savoir un processus légal formellement respecté mais en réalité vidé de toute substance : procédures bâclées, conflits d’intérêts, démission de l’Etat et des responsables politiques, recours judiciaires si longs qu’ils en deviennent sans efficacité ; rien ne manque pour aboutir au pire, à savoir faire de la loi une force injuste. C’est face à cela que naît une légitimité qui refuse l’arbitraire de la lettre pour revendiquer l’esprit de la loi. Encore doit-elle être entendue ; sinon, le débat n’a
alors d’autres issues que de s’exprimer en dehors des voies institutionnelles et dans des termes qui peuvent rapidement tourner à la confrontation.
Ce rapport nous enseigne ensuite que dans un tel cadre, les forces de l’ordre peuvent ajouter au désordre. Que l’on nous entende bien : il ne s’agit pas ici de faire le procès des forces de police. Les témoins le disent eux-mêmes : les termes de la confrontation ont changé selon la personnalité qui commandait sur le terrain, et selon les ordres reçus. Notre préoccupation est de pointer du doigt les enchaînements qui ont conduit – et pourraient encore conduire – à des violences illégitimes ; à éclairer la responsabilité des décideurs politiques en passant par
celle des hauts fonctionnaires jusqu’à celle des hommes de terrain, sans ignorer la difficulté propre à toute opération de maintien de l’ordre.
A cet égard, ce que met en évidence le rapport est accablant. S’il n’est pas contestable qu’un petit groupe d’individus avait décidé de profiter des manifestations pour s’en prendre aux forces de l’ordre, tel n’était pas le cas de l’immense majorité des manifestants. Et les forces de l’ordre n’ont jamais été réellement en danger, et
encore moins en risque de perdre le contrôle de la situation. (...)