
Rejet de l’autre, recherche de boucs émissaires, appels à la haine, la « beaufitude » est aujourd’hui un phénomène en pleine expansion. Or, pays des droits de l’homme et des lumières, la France ne peut raisonnablement pas accepter toute cette médiocrité intellectuelle.
Le beauf dénonce volontiers les migrants comme des envahisseurs venus profiter du système. Habitué à répéter que la France est le paradis des aides sociales, il n’a toujours pas remarqué que la plupart des migrants préfèrent aller en Allemagne ou en Angleterre. Pas question pour lui d’évoquer les guerres, les dictatures et autres persécutions, c’est de « migration économique » dont il s’agit. Et notre politique impérialiste, ne fait-elle pas le malheur des peuples ? Et l’explosion du nombre de réfugiés Syriens, n’est elle pas en rapport avec le chaos qu’on a instauré dans le pays ? Capable de faire référence aux invasions arabes vieilles de 13 siècles, le beauf n’a généralement pas connaissance de la quinzaine d’ »opérations extérieures » actuellement menées par la France. Rappelez lui que notre pays a installé près de 40 % des dictateurs Africains ou qu’elle est l’un des plus gros marchands d’armes au monde et il vous rétorquera aussitôt que « si on ne joue pas ce rôle, ce sont d’autres pays qui prendront notre place ».
Alors que le sentiment d’empathie a été mis en évidence chez de nombreuses espèces animales (singes, dauphins, rats, etc.), le beauf ne semble malheureusement pas doté des fameux « neurones miroirs ». La solidarité envers les migrants ? C’est de la « sensiblerie », un hobby pour les « bisounours ». Habituellement, il vous parle pourtant des « êtres humains qui souffrent » quand vous dénoncez l’horreur de l’élevage industriel ; mais imbattable au jeu de la patate chaude, il ne semble soudainement plus préoccupé que par le sort des SDF Français. La patrie, c’est d’ailleurs sa carte joker, le purificateur de toutes les vilénies. C’est par amour pour la patrie qu’il soutient les guerres ; c’est aussi par amour pour elle qu’il veut refouler tous les réfugiés de guerre. Fier d’appartenir à la seule communauté capable de réunir artificiellement le capital et le travail, le riche et le pauvre, l’exploitant et l’exploité, le beauf fait ainsi sien l’argument des puissants qui veulent assujettir les masses ou justifier leurs guerres capitalistes.
Volontiers porte-parole de la nation, le beauf répète inlassablement que la France « n’a pas les moyens de s’occuper du malheur des autres » ayant elle-même des chômeurs, des retraités et des travailleurs pauvres. Indiquez lui que les priorités de la société sont sûrement inversées et les richesses mal réparties (...)
« Et toi au fait, t’en accueille combien des réfugiés chez toi ? » : voilà l’imparable question, celle qui est censée anéantir tout discours humaniste et vous ranger définitivement dans la catégorie des hypocrites à grande gueule. Et oui, le beauf n’a toujours pas compris le principe de l’impôt : je n’ai pas d’enfants mais je finance les écoles, je ne suis pas malade mais je finance les hôpitaux, je suis bien portant mais je veux aider ceux qui sont en souffrance … (...)
L’image du beauf qui s’abrutit tout seul devant la télé est dépassée, le beauf moderne utilise internet pour entrer en communion avec les autres beaufs. Grand amateur de photos-montages et de slogans chocs, il ne vérifie rien mais partage tout. D’ailleurs, sur son blog ou sa page facebook, les informations pipeautées défilent à la vitesse des dépêches AFP. (...)
Comme le beauf vote et consomme, ses « élites » ont bien compris le parti qu’elles pouvaient en tirer. Ainsi, du « pain au chocolat » de Copé aux « affiches de flingues » de Ménard en passant par le « top des civilisations » de Guéant, la gamelle politico-médiatique est régulièrement alimentée d’arguments choc et d’opinions clash. Comme l’explique Sarkozy à propos du débat sur l’identité nationale, ce qu’il faut, c’est « du gros rouge qui tâche ». Et ça tâche même à gauche (enfin au PS) apparemment puisque Hollande et Valls commencent à récupérer à leur compte les théories des néo-conservateurs Etasuniens (« le bien et le mal », « la guerre de civilisation », …). Pas de doute, la beaufitude est devenue mainstream.