
L’urbex, ou exploration urbaine, est une pratique qui consiste à visiter des lieux abandonnés. Entre tourisme de l’abandon, patrimonialisation et politiques publiques, la géographie nous offre un éclairage sur cette activité de plus en plus répandue. Discussion avec une urbexeuse et deux géographes.
Nous avons tous à l’esprit ce fond d’image. Les grands ensembles de la série The Wire. L’hôtel fantôme de Shining. Les anciennes forges démantelées de Largo Winch 2. Les usines sans fumée, sans travailleurs, des pays sortis de l’ère industrielle. Les quartiers pavillonnaires, sans âme qui vive, frappés par la crise de l’endettement. Nous visualisons tous ces parcs d’attraction vides et à l’arrêt, ces châteaux ouverts, sans propriétaire officiel, ces hôpitaux délaissés. Ce soir, c’est là, tout à la fois, que nous nous rendrons, dans cette émission consacrée à l’urbex : une géographie exploratoire des lieux abandonnés.
Car ces lieux ne sont pas seulement objets de fascination, décors esthétiques et mythologiques. Ils sont aussi des lieux témoins, des espaces qui renferment des histoires collectives, qui relatent les mutations que traversent et subissent nos sociétés. Des mutations sociales, technologiques, politiques, urbaines, patrimoniales. Car nous laissons une part de nous-mêmes, toujours, dans ce que nous laissons à l’abandon.
Alors ce soir, en France et aux Etats-Unis, de Berlin jusqu’à Moscou, en passant par bien d’autres espaces, équipons-nous des outils de la géographie pour entreprendre cette exploration. (...)
L’abandon de ces lieux, comme à Détroit - symbole de la décroissance urbaine - s’explique par différents facteurs. La désindustrialisation, le déclin démographique ou les départs individuels et contraints sont des éléments de réponse. Florence Nussbaum revient sur la dégradation de quartiers entiers par certains acteurs locaux : "Il y a des stratégies récentes de villes qui ont essayé de faire face à ces problèmes, notamment en vendant massivement aux enchères les maisons vacantes ou dont les taxes étaient impayées. Il se trouve qu’elles ont souvent été vendues à des investisseurs extérieurs qui n’occupent pas les maisons et les laissent se dégrader". (...)