Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Slate.fr
L’industrie des oméga-3 a réussi à vous faire gober n’importe quoi
Article mis en ligne le 15 septembre 2018
dernière modification le 13 septembre 2018

Les oméga-3 ne servent probablement à rien, tout en ayant de terribles conséquences pour l’environnement.

(...) Une récente méta-analyse de soixante-dix-neuf essais randomisés contrôlés impliquant plus de 100.000 participantes et participants vient de s’ajouter à un corpus déjà épais de résultats évanescents. L’étude catalogue toute une liste de problèmes cardiaques pour lesquels les oméga-3 n’ont que « peu ou pas d’effet », ce qui contredit l’un des plus anciens et des plus importants bénéfices présumés du supplément alimentaire –qu’il améliorerait la santé cardio-vasculaire. (...)

On peut imaginer que l’immense quantité de recherches investies dans les oméga-3 –dont bon nombre sont financées par les milliards de dollars de l’industrie des oméga-3 elle-même– trouvera un jour de bons arguments en faveur du supplément. Mais à l’heure actuelle, l’industrie est en bien mauvaise posture.

Non seulement les gélules pourraient ne pas servir à grand-chose, mais il est aussi tout à fait possible que les millions de tonnes de poissons extraites des océans pour les confectionner aient de graves conséquences écologiques.

Expédition en terre inuit

Dans son dernier livre, The Omega Principle, l’auteur et journaliste Paul Greenberg décrit une industrie devant son existence à une ribambelle d’hypothèses faiblardes sur la santé humaine –un secteur en pleine introspection, alors que sa crédibilité scientifique se réduit comme peau de chagrin. Et avec une boîte d’oméga-3 à moitié entamée dans mon frigo, me voilà moi aussi plongé dans des abîmes de perplexité.(...)

De grosses études randomisées contrôlées tombent sur des résultats peu reluisants. Et la conclusion d’une méta-analyse de 2012 n’y va pas par quatre chemins : « Dans l’ensemble, la supplémentation en […] oméga-3 n’est pas associée à un risque diminué de mortalité toutes causes confondues, de décès d’origine cardiaque, de mort subite, de décès après infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral sur des mesures d’association relatives ou absolues. »

On avait aussi espoir que la supplémentation en oméga-3 soit bénéfique au cerveau humain, vu que ce corps gras constitue entre 5% et 10% de la masse de l’organe. Mais les recherches sur les effets d’une supplémentation en oméga-3 sur les maladies cérébrales sont tout aussi penaudes. (...)

Si manger du poisson a sans aucun doute beaucoup d’effets positifs sur la santé, il semble de plus en plus évident que ces avantages disparaissent lorsque les poissons sont transformés en capsules.

Marketing industriel

Malgré le rétrécissement de leurs fondements scientifiques, rien n’oblige légalement les fabricants d’oméga-3 à modifier leur mode de commercialisation.(...)

« Aujourd’hui, les fabricants peuvent mettre ce qu’ils veulent dans une capsule et la vendre comme supplément alimentaire, écrit Greenberg. Aucune recherche scientifique ni preuve d’aucune sorte n’est nécessaire. » Ce qui fait que la plupart des produits disponibles dans le commerce ont le toupet de se targuer de bénéfices cardiaques « cliniquement prouvés » sur leur emballage.

Une autre tactique utilisée par l’industrie pour sauver la face a consisté à financer indépendamment ses propres recherches. (...)

Et si les recherches cliniques prouvant les bénéfices des oméga-3 sont aujourd’hui quasiment inexistantes, les preuves de leur dangerosité sont tout aussi clairsemées. Si l’industrie des oméga-3 cherchait simplement à se faire du fric auprès de gogos avec des pilules de sucre, l’arnaque serait peut-être odieuse, mais elle n’aurait pas plus de conséquences que cela. Sauf que ces gélules ne sont pas composées de sucre, elles sont faites à partir d’animaux. (...)

L’huile contenue dans ma capsule quotidienne est siphonnée dans des bancs de poissons fourrage extraits tout spécialement de l’océan. (...)

Les poissons fourrage sont les héros méconnus de la vie aquatique. Évoluant dans un « espace critique » des fonds marins, c’est grâce à eux que l’énergie solaire stockée dans le phytoplancton est transmise aux prédateurs. « Sans les poissons fourrage […], le système devient bien plus simple, plus primitif », commente Greenberg.

Bien sûr, l’océan est vaste et ces petits poissons se reproduisent vite. Mais si l’industrie de la pêche prétend que la pratique est durable, Greenberg a quelques doutes. Il pense que l’extraction des poissons fourrage pourrait avoir des répercussions sur les chaînes alimentaires. (...)

Même dans l’hypothèse peu probable que cette activité n’ait aucun impact sur les écosystèmes océaniques, les contrecoups de cette extraction massive peuvent encore nous atteindre sur la terre ferme : une fois l’huile de poisson encapsulée, les carcasses sont broyées pour devenir de l’engrais et de l’aliment pour bestiaux, entre autres emplois agricoles industriels. La farine de poisson est pulvérisée sur des sols dépourvus de leurs minéraux naturels et permet de faire pousser des cultures commerciales destructrices, comme le maïs. Ce maïs devient du sirop de fructose sucrant les sodas d’un monde de plus en plus diabétique. Ou alors il se retrouve dans l’estomac de bovins qui accélèrent le réchauffement climatique avec leurs pets, et dont la viande nous fait mourir à petit feu de plein de manières différentes. (...)