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L’immatérialité de la désobéissance II : l’esprit de lutte
/ S.Bergounioux, Historienne
Article mis en ligne le 16 mai 2022
dernière modification le 15 mai 2022

L’Affaire de la « chemise arrachée » d’octobre 2015 constitue un moment génétique capital parce qu’elle enferme à la fois, le raidissement d’un régime de domination extrêmement violent et la radicalité des changements sociaux en cours. C’est ce que cet entretien précédé de quelques cadres analytiques, laisse transparaitre.

La lutte finale ?
Entretiens avec Julie Morel et Moguel Fortea. Syndicalistes et employés à Air France. (...)

Préalables analytiques :

Cet entretien avec deux représentants CGT à Air France s’est tenu en 2017, soit deux après l’affaire dite de « la chemise arrachée » en octobre 2015. Dans une situation sociale extrêmement tendue en la quasi-absence de dialogue social, deux cadres d’Air France se sont vus arrachés leurs chemises. Cette séquence a largement été diffusée sur la toile et usitée par les conservateurs afin de légitimer les représentations particulièrement dépréciatives des agents du mouvement social. Pourtant à la lecture de cet entretien, ce sont des considérations bien différentes qui affleurent.

C’est en s’appuyant sur le concept d’hystérésis usité par le sociologue Pierre Bourdieu pour désigner la dynamique de la pensée conservatrice, que je vais m’appuyer pour proposer quelques grilles de lecture de cet évènement révélateur de l’évolution du régime de domination contemporain. (...)

L’écart entre les attentes collectives des salariés et la violence du régime de domination explique l’explosion de colère de nombre de salariés qui, a contrario, justifie la violence d’un régime de domination qui entend s’imposer sans le consentement du grand nombre. Autrement dit, les puissants considèrent que leur domination peut désormais s’exercer sans le consentement du grand nombre. C’est une violence inouïe qui enferme une conception autoritaire de l’exercice du pouvoir.

C’est précisément ce que les agents sociaux en lutte récusent. C’est aussi la raison pour laquelle cette journée a marqué les esprits. Si elle enferme la violence d’agents sociaux accablés de souffrance, elle éclaire aussi nos ténèbres. Elle est porteuse d’un espoir que l’on croyait disparu, celui d’une indignation refoulée qui laisse présager l’exaltation d’un changement social radical résultant de la disparition du consensus sur lequel repose le régime de domination de type symbolique depuis plus de deux siècles. (...)