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Libération
L’histoire rend la parole aux esclaves
Article mis en ligne le 9 juillet 2018
dernière modification le 8 juillet 2018

Puisant dans les archives judiciaires, les historiens livrent désormais un récit plus incarné de l’esclavage. Une histoire « par le bas » qui réévalue leurs révoltes et leurs insurrections, longtemps passées sous silence.

Le procès s’ouvre à l’hiver 1801. Il oppose la veuve d’un général à un esclave, Hans Jonathan, né au sein d’une plantation de canne à sucre dans les Antilles danoises. « Mulâtre », il a appris à lire, à jouer du violon, il s’intéresse aux Lumières. A 17 ans, le jeune homme a décidé de reprendre sa liberté et - paradoxe - de s’engager dans l’armée du pays qui l’avait fait esclave. Il est si brave que le prince héritier Frederik lui rend sa liberté. Mais la veuve du général à qui il appartient ne l’entend pas ainsi. Devant les juges, elle demande à ce qu’on lui restitue son « bien ». Et l’emporte. Alors l’esclave vole, pour de bon cette fois, sa liberté. Il embarque pour l’Islande, une île qu’il sera vraisemblablement le premier Noir à fouler.

En recherchant les minutes du procès, en fouillant dans les registres paroissiaux et ceux de l’état civil, comme dans les archives de l’épicerie islandaise dont l’esclave deviendra le directeur, l’anthropologue islandais Gisli Pálsson a retracé la vie de Hans Jonathan dans un livre qui vient d’être traduit (l’Homme qui vola sa liberté, Gaïa, avril).(...)

Une voix, un visage
C’est l’une des tendances lourdes des livres qui paraissent ou sont traduits aujourd’hui en France : redonner une voix et un visage aux esclaves, incarner leurs résistances qui furent incessantes(...)

Aux Etats-Unis, les récits de vies d’esclaves sont depuis longtemps répandus. Les mouvements abolitionnistes anglo-saxons trouvaient dans ces témoignages terribles, dont ils assuraient la diffusion dans leurs pamphlets, la justification de leur action.(...)

Les matériaux manquent donc pour les historiens français de l’esclavage, qui, dans les années 70, sont de toute façon trop marqués par le marxisme pour se pencher sur des parcours individuels. « On s’intéressait alors aux systèmes pour en dénoncer la violence et magnifier la résistance des esclaves, vus comme une identité collective », explique Myriam Cottias, directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages (Ciresc). (...)

Résistance et liberté
Le renouveau de l’historiographie française a lieu il y a une dizaine d’années. Un projet de recherches européen (Eurescl) est notamment lancé en 2007 et se donne pour a