Les professionnels de l’éducation à l’environnement remettent en question leurs pratiques. L’idée phare : pour apprendre autrement, il faut sortir dehors, par et avec la nature.
Dehors, aux abords du Parc national du Vexin, devant la grille du château de Jambville, il fait froid, humide, avec un désagréable vent d’ouest en rafale. Je rejoins l’entrée juste à temps pour assister au début de l’un des nombreux ateliers de ces rencontres de la « dynamique Sortir ». Trois jours déjà que quatre-vingt personnes sont venues de toute la France pour réfléchir ensemble à leurs pratiques en matière d’éducation à l’environnement.
Ce métier né dans les années 1980 mêle le savoir-faire de l’animation, qu’elle soit en centre aéré, en colonie de vacances, dans des associations ou dans les écoles, avec des connaissances naturalistes, botanistes ainsi que d’écologie scientifique. En vingt ans, cette profession s’est dotée de structures propres, d’un réseau institutionnel lié aux ministères chargés de la Jeunesse et des Sports ainsi que de formations professionnelles à « l’éducation à l’environnement et au développement durable » (EEDD). (...)
Le Réseau Ecole et Nature rassemble au niveau national les éducateurs à l’environnement et maille le territoire avec les Groupements régionaux d’animation et d’information sur la nature et l’environnement (Graine).
Mais si, à l’origine, les activités avaient une connexion directe avec l’environnement, l’animation s’est peu à peu enfermée dans des « boites ». Ainsi, dans les classes, les enfants sont le plus souvent confrontés à des animations à partir de mallettes pédagogiques clef en main, sans contact avec l’extérieur.
Sortir de l’enfermement
Ces pratiques se substituent à d’autres qui plaçaient les enfants en contact direct avec la nature. Concrètement, « sortir » désigne toute activité en extérieur, du jardin partagé au bivouac en passant par le mini-camp, la randonnée, l’animation en forêt, la sortie scolaire de « classe verte » dans un parc naturel ou dans une ferme pédagogique, mais aussi la simple contemplation de la nature, à toutes les échelles.
Or, durant les années 2000, « toutes ces activités sont devenues à la fois moins suggérées et moins financées », dit Louis Espinassous, pionnier de l’animation en pleine nature. (...)
Enfin a grandi une « peur de la nature » dans toute la population. Car le problème de l’enfermement est un problème global : « On passe nos vies dans des boîtes : on quitte sa maison pour être dans sa « caisse » pour aller travailler dans une « boîte » avant de finir sa vie dans une autre boîte, je vous laisse imaginer laquelle », rappelle régulièrement le paysan-philosophe Pierre Rabhi. (...)
Contre cette tendance mortifère, des premières rencontres intitulées « Sortir, une pratique en danger » s’organisent en 2009, sous l’impulsion de Louis Espinassous, Jacques Lachambre, de l’association Education Environnement 64, Sylvie Kempf, directrice du centre du Merlet (30) et enfin l’association Jeunes et Nature. Immédiatement un principe s’impose : « Un temps d’échange, dehors, pour se rencontrer, pendant deux jours et ensuite nous nous focalisons sur la production et l’action. »
Une nuit à la belle étoile, ça fait briller les yeux
Loin d’un colloque théorique, les rencontres Sortir sont ainsi un véritable moment de création d’outils pratiques, comme en témoigne la diversité des ateliers (...)
Sept années de rencontres ont permis d’aboutir à la création d’une formation spécifique « vivre et animer dehors ». Cette année, il s’agit de réfléchir à la mise en place de « coins de nature », dans les écoles mais aussi dans des zones urbaines dé-naturées pour reconnecter les différents publics avec la nature sans avoir à faire des kilomètres pour s’échapper des villes. (...)
Comme souvent dans le secteur de l’animation, la majorité des personnes présentes sont des femmes. Et loin d’une sensibilité fleur bleue, nous avons affaire à des militantes de l’animation nature (...)
Le problème, c’est que ces pratiques d’éducation sont difficiles à faire admettre aux pouvoirs publics : comment faire entrer dans les grilles d’analyse de l’administration le fait d’avoir créé un « souvenir d’enfance » à un jeune qui a vu une pluie d’étoiles filantes au milieu de l’été en chantant devant un feu de camp ? (...)
Le secteur de l’animation n’est pas épargné par les coupes budgétaires qui menacent le tissu associatif. (...)
sortir devient un véritable problème de santé publique. De récentes études scientifiques font état de l’existence d’un « syndrome du manque de nature » dans les sociétés actuelles. Enfermés constamment, sans se confronter avec un environnement naturel aux formes géométriques non linéaires, beaucoup de nos contemporains souffriraient de ce « syndrome » qui aurait des implications dans l’obésité, l’hyperactivité, les troubles de la concentration, etc.