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Mediapart
L’art de ressusciter le scénariste que la junte argentine annihila
#Chili #junte
Article mis en ligne le 21 février 2023
dernière modification le 20 février 2023

Léo Henry retrace le destin d’Héctor Oesterheld, scénariste de bande dessinée assassiné par la dictature argentine en 1978. « Héctor » est un livre qui atteint la finesse d’une toile d’araignée déchirée, pour raconter ce que la tyrannie essaya d’effacer.

Héctor Oesterheld fut le scénariste des premières œuvres d’Hugo Pratt (Sergent Kirk, Ernie Pike, Ticonderaga Flint, entre 1953 et 1962) et surtout de L’Éternaute, bande dessinée de science-fiction devenue culte en Argentine. Oesterheld en projeta trois versions, de plus en plus politiques à mesure que l’autoritarisme gagnait du terrain*.

Pendant une invasion extraterrestre, quelques survivants résistent dans une Buenos Aires fantomatique. L’atmosphère d’incertitude et de menace pèse, des « Eux » invisibles exercent une emprise sur les esprits, l’ami peut se révéler un traître. En essayant de fuir, le personnage principal se perd dans les dédales de l’espace-temps : il est devenu l’Éternaute.

Léo Henry, écrivain né en 1979 à Strasbourg, montre comment cette BD a pu résonner avec le quotidien d’un pays soumis entre 1955 et 1983 à un enchaînement de dictatures militaires. (...)

Héctor Oesterheld parcourut donc clandestinement Buenos Aires, allant d’une planque à l’autre, dictant ses scénarios depuis des cabines téléphoniques. Le 20 avril 1977, il est enlevé en pleine rue. Dans divers centres de détention clandestins, il est torturé. En janvier 1978, il est tué à coups de pied.

Avant lui, deux de ses filles avaient été enlevées. Le corps de Beatriz, 21 ans, fut retrouvé dans la rue. On ignore ce qu’il est advenu de celui de Diana, 23 ans. Quelques mois après l’arrestation d’Héctor, ses deux dernières filles, Miranda, 20 ans, puis Estela, 25 ans, disparaissent dans des circonstances inconnues.

Le dernier membre de sa famille à avoir vu Héctor est son petit-fils Martín, capturé dans la planque où vivait sa mère, Estela. Plutôt que de le livrer aux orphelinats de la dictature, le chef du « groupe de travail », sans doute lecteur de bandes dessinées, l’amène à son grand-père dans sa prison afin que celui-ci lui indique à qui confier l’enfant. Le garçon, âgé de quatre ans, fit la description du lieu de l’entrevue (...)

Léo Henry,
Héctor,
Rivages, 208 p., 19,50 €