
Un mort et un blessé lors d’un accident sur le site de Bure, où les autorités prévoient d’enfouir les déchets nucléaires pour des centaines de milliers d’années. L’événement, qui s’est déroulé mardi 26 janvier, remet en cause les affirmations sur la fiabilité du projet. En exclusivité, Reporterre publie les explications détaillées des officiels sur l’événement.
(...) L’Agence nationale pour la gestion des déchets nucléaires (Andra) qui gère ce site, a mis en place une cellule de crise. Le procureur de la République de Bar-le-Duc a ouvert une enquête.
« Le front de taille d’un fond de galerie a glissé alors que des relevés géophysiques étaient en cours » a expliqué le préfet de la Meuse, Jean-Michel Mougard, lors d’une conférence de presse mardi après-midi sur le site de l’Andra, à Bure, à laquelle Reporterre assistait (voir le compte-rendu détaillé à la fin de cet article). « Un éboulement est survenu lors de forages, atteignant un technicien de 42 ans de la société Eiffage. Celui-ci est décédé, un de ses collègues est légèrement blessé. Plusieurs personnes ont été choquées. »
Cet accident de chantier mortel « ne fait que confirmer les risques démesurés de celui-ci », jugent les associations d’opposants au projet. Pour le Réseau Sortir du nucléaire, « si l’Andra n’est pas à même d’assurer la sécurité de son propre chantier, comment prétend-elle sécuriser sur plus de 100 ans un projet démentiel ? » (...)
Le Centre industriel de stockage géologique de Bure, qui n’a cependant pas été formellement décidé, doit accueillir à partir de 2025, une partie des déchets les plus radioactifs (plus de 100.000 m3, soit 4 % du volume, mais 99 % de la radioactivité) des centrales nucléaires françaises. 300 km de galeries seraient creusées à 500 mètres de profondeur, afin de confiner dans la roche durant plusieurs centaines de milliers d’années – le temps que la radioactivité décroisse – les radio-éléments contenus dans ces déchets. Un projet titanesque, que l’Andra teste depuis 2007 à une échelle réduite dans son laboratoire souterrain d’1,5 km de galeries. C’est là qu’a eu lieu le drame.
Et c’est sur ce point que le directeur technique de l’Andra, Jean-Paul Baillet a insisté : « Nous sommes bien dans un laboratoire et absolument pas dans un centre d’enfouissement. », a-t-il dit dans cette conférence de presse. D’après lui, un éboulement dans des galeries souterraines « fait partie des choses naturelles ». Pas question donc d’interrompre la poursuite des forages. « Il n’y a pas de raison qu’on remette en cause l’ensemble d’un programme. La galerie en question est condamnée et le restera tant qu’on n’aura pas tout compris. » Ce drame semble d’autant plus mystérieux que les conditions de travail étaient tout à fait « normales » : « Les employés, munis d’équipements de sécurité, travaillaient sur un process de creusement classique », a précisé le préfet Jean-Michel Mougard.
Quid alors de la sécurité ? Le directeur technique reconnaît du bout des lèvres une défaillance dans le système de surveillance, expliquant qu’il « n’est pas normal que nous n’ayons pas prévu qu’à cet endroit là il aurait pu se produire un accident ». Pour autant, à la question « la sûreté du site est-elle en jeu ? », il répond par un « non » laconique. (...)
Michel Guéritte est un opposant historique au projet. Il se rappelle d’un premier accident tragique, en 2002, lorsqu’un mineur de 33 ans avait trouvé la mort à 226 mètres lors du creusement d’un des puits d’accès. « Ces événements dramatiques démontrent l’incapacité de l’Andra à gérer un chantier d’une telle ampleur. Ce projet est un pari, il est fou et dangereux »
Autre question, évacuée par l’Andra, celle de la stabilité des sols. (...)
« Bure n’est pas le coffre-fort que l’on nous présente », soutiennent les associations dans un communiqué commun. « Si des fractures souterraines apparaissent dans le laboratoire, qu’en sera-t-il si le centre de stockage souterrain est construit et connaît un tel accident alors qu’il est rempli de déchets radioactifs ? » (...)