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Reporterre
L’Union européenne prépare une bio au rabais
Article mis en ligne le 29 novembre 2016
dernière modification le 24 novembre 2016

Reporterre s’est procuré le projet de règlement sur l’agriculture biologique que l’Union européenne est sur le point de valider. Et révèle que l’obligation de contrôle annuel a disparu ! Ce qui met en cause le modèle même du bio.

Depuis 30 ans, c’est un élément fondamental de l’agriculture biologique : le contrôle annuel. Tout agriculteur bio, tout transformateur, négociant ou commerçant détaillant de la filière, doit recevoir la visite d’un auditeur. Comptabilité, cahier de cultures, déclarations diverses… L’auditeur (ou certificateur) pointe ce qui rentre dans l’activité de la structure (certificats bio des fournisseurs, factures, visites vétérinaires…), recoupe par une inspection sur le terrain où il observe les champs, les installations, leurs évolutions, questionne sur le déroulement de l’année et procède à des analyses si besoin. À cela s’ajoutent des visites inopinées.

Or le projet de nouveau règlement européen sur l’agriculture biologique, que s’est procuré Reporterre, change cette méthode essentielle. En l’état, il compte supprimer l’obligation annuelle. En effet, le projet adressé le 21 septembre par la présidence du Conseil de l’Union européenne aux délégations de chaque État-membre prévoit d’allonger les périodes entre deux audits, les rendant possibles tous les deux ans au lieu de tous les ans. (...)

Quand les contrôles n’auront pas relevé de « non-conformité » modifiant « l’intégrité du produit » au cours des trois dernières années, indique le texte, un contrôle sur place tous les deux ans, et non plus tous les ans, pourra être admis. Si, au regard des précédentes visites, l’organisme de contrôle estime que les risques sont faibles, l’inspection annuelle ne sera pas nécessaire.

Or, selon plusieurs organismes de contrôle, cette notion de « risques faibles », non définie, pourrait donner lieu à des différences d’interprétation entre les États-membres et les organismes de contrôle ou encore à des négociations entre opérateurs et contrôleurs. De même, la notion d’« intégrité du produit » susceptible d’être « modifié » reste très floue. (...)

En se focalisant sur le produit, et non sur les pratiques, pour certifier bio, le nouveau règlement menace la spécificité de l’agriculture biologique. Il semble vouloir simplifier les mises en marché. Or, la confiance du consommateur repose justement sur cette procédure de contrôles réguliers. Et à juste titre, car elle n’a pas d’équivalent dans l’agriculture conventionnelle ni dans l’agro-alimentaire. (...)

En mai dernier, Reporterre attirait l’attention sur les menaces que le nouveau règlement européen pourrait faire peser sur la fiabilité de l’agriculture biologique. Aujourd’hui, les acteurs de la bio, tous courants et métiers confondus, réitèrent leurs vives inquiétudes et s’accordent pour un maintien des points fondateurs de l’AB. (...)

Ils s’opposent aussi à l’autorisation de la culture en bac que veulent obtenir certains pays de l’Europe du Nord, et demandent au ministre de « défendre le lien au sol, principe fondateur de l’AB, qui assure une cohérence agronomique et environnementale ».

De même, ils refusent les seuils de pesticides, qui sont aussi en débat lors des trilogues, parce qu’ils entraîneront des déclassements de production que le droit ne prévoit pas d’indemniser.

Toutes ces négociations se déroulent à huis clos, sans transparence, sans visibilité sur la globalité du projet, déplorent certains experts. (...)

La balle est dans le camp des ministres. Ou, plutôt, des consommateurs, sans doute à ce stade les seuls capables d’exercer une pression et de faire revenir l’institution européenne sur des positions quasi actées. Elles conditionnent le devenir d’une bio exigeante et porteuse de sens.