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Le Monde
L’Ukraine candidate à l’Union européenne : le début d’un long processus vers une adhésion
Article mis en ligne le 24 juin 2022

Les dirigeants européens s’apprêtent à accorder à Kiev le statut de candidat à l’UE. Une décision qui promet, en pleine guerre, de nombreux défis pour Kiev et l’Europe.

C’est la première étape d’un très long chemin. A l’occasion du sommet européen qui s’est ouvert le jeudi 23 juin, les dirigeants de l’Union européenne (UE) s’apprêtent à accorder à l’Ukraine le statut de candidat à l’UE. Ce statut, qui permet d’ouvrir officiellement les négociations portant sur l’éventualité de son adhésion, constitue le tout début d’un processus qui pourrait prendre plusieurs dizaines d’années. (...)

Un statut de candidat validé en un temps record

Le 28 février, quatre jours après l’invasion de son territoire par la Fédération de Russie, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, demande à bénéficier d’une « procédure spéciale » pour permettre à son pays d’adhérer à l’Union européenne. Quelques semaines plus tard, dans le courant du mois de mars, le président dépose officiellement sa demande d’adhésion. (...)

En réalité, il n’existe pas de procédure accélérée pour une adhésion à l’UE. Une telle candidature suppose un long processus qui démarre par l’acceptation de la demande par la Commission, le Parlement européen, le Conseil (les Etats membres) et la validation officielle par le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement), à l’unanimité. (...)

A l’instar de plusieurs pays des Balkans, la Serbie patiente encore aujourd’hui aux portes de l’UE. Comme celles de l’Albanie, de la Macédoine du Nord et du Monténégro, son adhésion n’a toujours pas été validée et les négociations se poursuivent. Exemple le plus emblématique, la Turquie a fait sa demande en 1987, avant d’être déclarée candidate en 1999 et d’entamer des négociations en 2005, qui sont actuellement au point mort.

Vers l’octroi du statut de candidat… sous conditions

Trois mois après le dépôt de candidature, la Commission européenne a été la première instance à valider, le 17 juin, l’octroi du statut de candidat à l’UE de l’Ukraine. « Les Ukrainiens sont prêts à mourir pour défendre leurs aspirations européennes. Nous voulons qu’ils vivent avec nous le rêve européen », a justifié la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, vêtue d’une veste jaune et d’un chemisier bleu aux couleurs du drapeau ukrainien.

« L’Ukraine a déjà adopté environ 70 % des règles, normes et standards européens », a d’abord vanté Mme von der Leyen, évoquant pêle-mêle « une démocratie présidentielle et parlementaire très solide », « une administration publique qui fonctionne très bien et qui a permis de faire fonctionner le pays pendant cette guerre », le « succès » de la réforme de la décentralisation et « une économie de marché pleinement opérationnelle ». Dès 2014, l’Ukraine a signé un accord d’association avec l’UE, incluant un accord de libre-échange. Considéré comme un préalable à une adhésion, ce texte, entré en vigueur le 1er septembre 2017, visait à réformer les institutions et l’économie ukrainiennes, pour les faire correspondre aux standards de l’Union européenne. (...)

« Beaucoup a été accompli, mais, bien sûr, il reste un travail important », a toutefois tempéré Ursula von der Leyen, évoquant des progrès à faire sur « l’Etat de droit, les oligarques, la lutte contre la corruption et les droits fondamentaux ». Une mise en garde qui vise à éviter un casse-tête aux diplomates européens. Marqué par des adhésions trop rapides, comme celles de la Bulgarie et la Roumanie, aujourd’hui rongées par la corruption, Bruxelles veut éviter les profils de pays problématiques. « Ce statut de candidat est réversible », précisait au Monde un haut fonctionnaire, au début de juin. Si ce statut devrait bien être accordé à Kiev, le Conseil européen peut toutefois décider de le lui retirer.

Les réformes qui attendent l’Ukraine (...)

« Cette étape du processus implique l’instauration d’un programme de soutien et d’aides financières permettant au candidat de mener les réformes administratives, politiques, économiques nécessaires pour intégrer le corpus législatif européen », détaille Georgina Wright, de l’Institut Montaigne.

A quels chantiers devra s’atteler l’Ukraine ?

En plus de s’engager à respecter les articles 49 et 2 du traité sur l’Union européenne, le pays doit également appliquer le traité de Lisbonne et les critères de Copenhague, qui reposent sur des impératifs de stabilité politique et économique. « A cela s’ajoute le critère de l’acquis communautaire, qui signifie que l’Etat candidat doit être en capacité d’intégrer l’ensemble des normes européennes existantes dans son droit national », poursuit Mme Wright. (...)

« Etre membre de l’UE, cela implique d’être une démocratie libérale, avec une économie de marché », précise le spécialiste, évoquant la nécessité d’instaurer « une loi antiblanchiment » en Ukraine, où des systèmes de corruption sont à l’œuvre.

Toujours selon Sébastien Maillard :

« La façon dont l’Ukraine protège ses minorités - grecques, bulgares, hongroises et surtout russophones - constituera également une dimension clé dans la manière dont le pays évolue pour rejoindre les standards européens. »

Au début de juin, le président Volodymyr Zelensky a fait savoir qu’il était « prêt à travailler » pour que l’Ukraine devienne « membre de plein droit de l’UE ». (...)

Au-delà des efforts réclamés à l’Ukraine, son adhésion repose également sur la capacité de l’UE à accueillir un nouveau pays dans de bonnes conditions : budget suffisant, capacité décisionnelle… Si l’Ukraine est admise dans le plus grand bloc commercial mondial, elle en deviendra le plus grand pays en termes de superficie et le cinquième le plus peuplé. « Cela aurait une conséquence sur les équilibres de pouvoir, avec une très forte représentation de l’Ukraine au sein du Conseil et du Parlement européens », analyse Georgina Wright. (...)