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L’Europe négocie secrètement un accord de libre-échange avec le Japon, le JEFTA
Article mis en ligne le 4 juillet 2017

Jeudi 6 juillet, les discussions de l’accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne devraient passer le cap politique. Négocié en secret, comme le Tafta et le Ceta, ce projet de traité recèle des points inquiétants, comme le révèlent des documents diffusés par Greenpeace.

Vous n’en avez pas encore entendu parler, et pourtant, cet accord commercial serait le plus important jamais conclu par l’Union européenne. Après le Tafta (avec les États-Unis) et le Ceta (avec le Canada), voici le Jefta : l’accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne (Japan-EU Free Trade Agreement), soit la quatrième et la première puissances économiques mondiales. À elles deux, elles représentent environ un tiers du PIB mondial.
Un accord en bonne voie. S’il n’en est pas au stade du Ceta, déjà adopté par le Parlement européen, une étape cruciale devrait être franchie ce jeudi 6 juillet, à Bruxelles, avec la conclusion d’un premier accord-cadre politique lors d’un sommet UE-Japon. « On y est presque, espérait ce weekend la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, après deux jours de négociation au Japon. Nous avons suffisamment de convergences pour que les responsables politiques puissent discuter dans les jours qui viennent pour régler les derniers détails. Je suis confiante dans le fait qu’ils arriveront à un accord lors de ce sommet. »
Pour la Commission européenne, cet accord serait une occasion. « L’accord supprimera quasiment tous les droits de douane, qui représentent 1 milliard d’euros chaque année. Les exportations d’aliments transformés pourraient augmenter de 180 % et celles de produits chimiques de 20 % », indique le document de présentation de la Commission. Le Japon espère de son côté exporter plus de voitures vers l’Europe. Le document assure également que cet accord protégera les normes et valeurs de l’Union, et qu’il s’inscrit dans la nécessité de faire face aux défis mondiaux tels que « protéger l’environnement » et « lutter contre le changement climatique ».
À l’encontre de la protection de la santé et de l’environnement

Mais ce n’est pas la version que donnent les documents de négociation de l’accord révélés par Greenpeace Pays-Bas il y a une dizaine de jours, avec les « Jefta Leaks ». L’ONG a ainsi pu mettre à disposition du grand public 205 pages, des brouillons des différents chapitres de l’accord sur lesquels travaillent les négociateurs. Les documents datent principalement de la fin 2016 et du début de l’année 2017, au moment où le 18e tour de négociations était en cours. Nous en sommes désormais au 19e tour.

« La Commission européenne travaille dans le secret. Nous voulions mettre ces documents à disposition du grand public, explique à Reporterre Kess Kodde, chargé de campagne sur les questions de commerce international à Greenpeace. Pour que la société civile, les universitaires ou les scientifiques puissent y avoir accès, commenter ces textes, et informer sur ce que pourraient être les conséquences de ces négociations. » « Il y a un problème de contrôle démocratique, poursuit-il. Le mandat de négociation a été approuvé en 2012. Et jusqu’à ce que nous le rendions public la semaine dernière, il n’était pas public. Et ensuite, on présente le texte au Parlement européen et aux Parlements nationaux, et ils ne peuvent pas l’amender, simplement dire oui ou non. C’est incroyable ! » (...)

malgré les déclarations de la Commission européenne, « le développement du libre-échange est en haut de sa liste de priorités, et l’environnement assez bas ».
Mais ce n’est pas tout. Le Jefta a comme point commun avec le Ceta et le Tafta la mise en place de tribunaux d’arbitrage spécifiques pour les investisseurs étrangers. Ils auraient ainsi droit à une sorte de justice parallèle. (...)

Désormais alertées, les ONG entendent surveiller de près ces nouvelles négociations. Après l’accord politique qui devrait se conclure cette semaine, le Jefta a encore plusieurs mois de négociations devant lui avant d’arriver devant le Conseil des chefs d’États européens, puis le Parlement européen. Mais le processus pourrait être relativement rapide. Par ailleurs, ce n’est pas le seul accord de libre-échange à suivre, puisque d’autres, avec le Mexique, l’Indonésie ou le Brésil sont aussi envisagés. « Et là encore, les négociations sont secrètes », regrette Kess Kodde. (...)