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L’Europe et le spectre de la démocratie. Entretien avec Yanis Varoufakis
Article mis en ligne le 26 juin 2016
dernière modification le 23 juin 2016

De janvier à juillet 2015, Yanis Varoufakis a été le ministre des finances du premier gouvernement mené par Syriza en Grèce ; à ce titre, il a tenté de renégocier les termes du protocole d’entente prescrit à son pays par l’Eurogroupe et la « Troïka » – la Commission européenne, la Banque centrale Européenne et le Fonds monétaire international. Il a démissionné quand le premier ministre grec Alexis Tsipras a désavoué sa victoire écrasante au référendum du 5 juillet 2015 en cédant aux exigences des créanciers de la Grèce. Depuis lors, Yanis Varoufakis a œuvré à la fondation d’un mouvement trans-européen pour la démocratisation de l’UE. Vacarme traduit ici un entretien paru en anglais sur near futures online #11.

(...) le FMI a répété, à juste titre, que la dette n’est pas soutenable depuis 2011-2012. En 2012-2013, Christine Lagarde a même proposé au gouvernement de coalition conservateur/PASOK une alliance entre Athènes et Washington, afin d’obtenir de l’Eurogroupe un allègement de la dette. Cette alliance a été rejetée par le gouvernement grec, qui a préféré rester loyal à Berlin. Ce que vous avez décrit n’est donc que la répétition du même schéma. Si vous lui posiez votre question, Alexis Tsipras vous dirait que, quand le FMI se répand sur la nécessité de réduire la dette, il ne parle que de la part due aux Européens sans jamais se référer à la part qui lui revient. Le FMI, expliquerait-il, ne propose des coupes que dans la bourse des autres, pas dans la sienne.

Il insisterait surtout sur les conditions impitoyables que le FMI pose à la Grèce, en matière d’assouplissement du droit du travail et de diminution des pensions de retraite. Tsipras soutenait déjà cet avis quand j’étais au gouvernement. C’était sa conviction, pas la mienne. Pour ma part, j’étais plus ambivalent sur cette volonté de se débarrasser du FMI au motif de l’insuffisance et de l’hypocrisie de ses protestations sur l’allègement de la dette. Tsipras estimait qu’un équilibre plus juste entre réglementation sociale du travail et réforme des retraites d’une part, allègement de la dette de l’autre, ne pouvait être obtenu qu’en traitant directement avec les responsables européens. Selon moi, c’est une erreur : le gouvernement fédéral de Berlin a besoin de l’appui du FMI. Le semblant de conflit entre Washington, Francfort, Bruxelles et Berlin n’est qu’un jeu sur lequel Athènes ne devrait pas miser. Le FMI restera dans la course, sans doute sans prêter davantage, parce qu’il est absolument essentiel pour Angela Merkel d’avoir, aux yeux du gouvernement fédéral, le FMI de son côté.

La reddition du gouvernement grec, pour reprendre votre expression, est désastreuse pour une raison particulière : nous n’avons pas su profiter des divisions internes du FMI pour arracher à la Troïka un accord dont le préalable aurait été l’allègement et les restrictions de la dette. À partir du moment où l’on a capitulé, jouer sur la participation ou non du FMI n’a plus grande importance : c’est hors-sujet, la partie a été perdue. (...)