
La justice allemande a tranché. Décidée en 2011 après la catastrophe de Fukushima, la fin du nucléaire Outre-Rhin ne bafoue pas la Constitution. Mais les producteurs d’énergie devront être indemnisés.
C’était en 2011, au lendemain de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. L’Allemagne prenait la décision fracassante de fermer toutes les centrales atomiques du pays d’ici 2022. Si la mesure était populaire, elle a fait “disjoncter” les compagnies électriques, propriétaires et exploitantes des 17 sites concernés. Vattenfall, E.on et RWE ont porté plainte pour “expropriation”.
Cinq ans plus tard, la cour constitutionnelle fédérale leur donne partiellement raison : le 6 décembre, elle a jugé que les compagnies sont en droit de demander une “compensation appropriée” à l’Etat allemand.
Pour comprendre la décision des juges, il faut revenir quelques années en arrière. Marqué par la catastrophe de Tchernobyl, le gouvernement Schröder (SPD-Verts) a lancé en 2002 le processus de sortie du nucléaire. Les compagnies se sont vues allouer un quota d’électricité restant à produire.
En septembre 2010, le gouvernement conservateur d’Angela Merkel revint sur l’accord, considérant que le nucléaire était une “éco-énergie” permettant au pays d’assurer son autonomie énergétique. La durée de vie des centrales fut alors prolongée de douze ans, les compagnies investissant en conséquence.
Sept mois plus tard, nouveau revirement. Angela Merkel annonçait la fin du nucléaire civil d’ici 2022. “Fukushima m’a fait changer de position sur l’énergie nucléaire”, déclarait la chancelière allemande le 9 juin 2011 devant le parlement.
Pour la cour constitutionnelle de Karlsruhe, ce changement soudain de stratégie a bafoué, d’une part, le “droit à la propriété privée” des kilowattheures alloués aux producteurs d’électricité, et, d’autre part, le droit à la protection des investissements, devenus subitement inutiles. (...)
Ce qui semble, à première vue, une bonne nouvelle pour les compagnies n’est en fait qu’une demie-victoire. La cour ayant estimé qu’il n’y avait pas eu d’expropriation à proprement parler, les compensations seront certainement très inférieures aux 20 milliards d’euros qu’elles réclamaient. Depuis le jugement, le chiffre de plusieurs centaines de millions d’euros seulement circule dans la presse allemande.
Surtout, l’arrêt du tribunal affirme que le gouvernement allemand "était autorisé" à modifier la loi après l’accident nucléaire japonais, ”afin de protéger la santé publique et l’environnement". (...)