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L’Agence française pour la biodiversité victime de la sécheresse budgétaire
Article mis en ligne le 16 mai 2018
dernière modification le 14 mai 2018

Née en janvier 2017 dans l’enthousiasme, l’Agence française pour la biodiversité relevait le défi de la protéger et de la « reconquérir ». Las, un peu plus d’un an après, les syndicats alertent sur le manque de moyens, qui risque d’affaiblir la noble intention.

Les 21 mars dernier, Nicolas Hulot s’indignait devant les députés : le jour même, le dernier mâle rhinocéros blanc du Nord mourait au Kenya ; des scientifiques annonçaient la veille qu’un tiers des oiseaux ont disparu en 17 ans dans les campagnes françaises ; et en octobre, une étude avait constaté la baisse, en trente ans, de 80 % des insectes en Allemagne.

« Cela ne provoque pas de la peine, pas de la colère, mais de la honte, lançait le ministre de la Transition écologique et solidaire devant l’Assemblée nationale. Il y a des tragédies invisibles et silencieuses dont on s’accommode tous les jours. Je veux un sursaut d’indignation. »

Afin de défendre la biodiversité, le ministre dispose d’un nouveau bras armé : l’Agence française pour la biodiversité (AFB). Prévue par la loi Biodiversité de 2016, elle doit être à la protection de la biodiversité ce qu’est l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables. Son rôle est de connaître, protéger, et même « reconquérir » la biodiversité en France. L’AFB a été créée en janvier 2017, et vient donc de fêter sa première année. Mais ses moyens ne semblent, pour l’instant, pas à la hauteur de l’indignation du ministre. (...)

« Jamais un nouvel établissement public n’avait été installé en lui ajoutant de telles compétences, mais en maintenant ses moyens constants », regrettent les syndicats des agents dans un communiqué publié fin janvier. Ils y fustigent « un état-major tétanisé par la Cour des comptes », de nombreux « problèmes administratifs » et une explosion des risques psychosociaux.

Sur le terrain, les agents dénoncent du travail en plus alors que la barque était déjà pleine (...)

« Le budget initial de l’AFB est constitué au centime d’euro près des budgets des quatre établissements. Il n’y a pas eu de création de postes non plus, alors que les établissements étaient déjà à 100 % de leur capacité », regrette Rémy Arsento, du Syndicat national de l’environnement-FSU (SNE-FSU). « Ils ont eu le culot de nous dire qu’on était chanceux, parce que l’AFB ne perd pas d’effectifs, enchérit Philippe Vachet, responsable syndical Force ouvrière à l’Agence. Mais les nouvelles missions nécessitent d’embaucher à la direction, et cela a pour conséquence de supprimer des postes dans les services départementaux. » (...)

Dressée par la loi, la liste des missions qui s’ajoutent aux anciennes est aussi exubérante que la flore d’une forêt primaire. On y trouve par exemple l’atténuation des effets du changement climatique, le suivi des mesures de « compensation » des bétonneurs contraints de restaurer plus loin ce qu’ils ont détruit ici, la sensibilisation des citoyens et des entreprises, la coordination des acteurs de la biodiversité en France, la mise en place d’agences régionales de la biodiversité, etc.

Sur le terrain, les agents dénoncent du travail en plus alors que la barque était déjà pleine. (...)

Les syndicats décrivent ainsi des personnels épuisés par cette première année d’existence de l’AFB, désemparés, car perdant « le sens du métier ». Ils reconnaissent la difficulté à rassembler des chiffres. Mais « le nombre de signalements de gens en souffrance au travail a explosé, assure Rémy Arsento. Il y a des gens en burn-out. On est passé d’un à trois dossiers par an à dix à quinze en 2017. J’ai des amis qui fondent en larmes parce qu’ils ne s’en sortent plus et que leur métier leur tient à cœur. L’Agence tient encore grâce à la motivation des agents, mais cela risque de ne pas durer. »

« Il y a un vrai changement des méthodes de travail, et donc du stress » (...)

M. Hulot ne peut pas tout. « Dans les logiciels de Macron et de Matignon, la biodiversité reste un angle mort », note Jean-David Abel, de FNE. Reste un espoir pour faire remonter sa cote politique : la France est candidate à l’accueil, à Marseille, du Congrès mondial de la nature en 2020. Elle devra alors pouvoir montrer qu’elle est exemplaire dans le domaine. Une Agence de la biodiversité exsangue ferait tache sur la photo.