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L’Accord de partenariat économique UE-Afrique de l’Ouest est absurde et criminel
Article mis en ligne le 21 mai 2016
dernière modification le 17 mai 2016

Genèse de cette idée folle

Au lendemain des indépendances d’Afrique sub-saharienne (SSA), notamment des 16 Etats d’Afrique de l’Ouest (AO) – les 15 de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et la Mauritanie –, tous d’anciennes colonies (à l’exception du Libéria), l’UE a maintenu les préférences commerciales non réciproques leur permettant d’y exporter 97% de leurs produits agricoles et 100% de leurs produits industriels tout en pouvant taxer leurs importations venant de l’UE, dans le cadre d’accords larges de coopération, dits Conventions de Lomé, de 1975 à 2000. Mais les 9 Etats d’Amérique latine (AL) exportateurs de bananes vers l’UE – Colombie, Equateur, Pérou, Costa Rica, El Salvador, Honduras, Guatemala, Nicaragua et Panama – ont poursuivi l’UE au GATT d’abord en 1993, puis à l’OMC à partir de sa création en 1995, où l’UE a été condamnée trois fois. La raison : ces pays en développement (PED) devaient payer des droits de douane (DD) à l’UE alors qu’elle importait à droits nuls les bananes venant des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), ce qui était contraire au principe de non-discrimination de l’OMC.

(...) C’est dans ce contexte que la Commission européenne justifie les APE avec un raisonnement par l’absurde : puisque les accords préférentiels de Lomé n’ont pas empêché les pays ACP de s’appauvrir, leur administrer le remède de cheval d’une exposition de plein fouet au libre-échange avec leur principal partenaire commercial déclenchera nécessairement une réaction salutaire qui accroîtra fortement leur compétitivité : (...)

L’UE a obtenu une dérogation de l’OMC pour prolonger les préférences non réciproques aux pays ACP de 1995 à 2001, ce qui l’a conduite à transformer les Conventions de Lomé en Accord de Cotonou le 23 juin 2000, dont le volet économique prévoyait la mise en place de 7 Accords de Partenariat Economique (APE) régionaux, dont 5 en Afrique sub-saharienne (ASS). Il s’agit d’Accords de libre-échange (ALE) où les pays ACP ne pourraient plus taxer 80% de leurs importations venant de l’UE qui elle-même ouvrirait son marché à 100% de ses importations venant des pays ayant signé des APE, sachant qu’elle l’avait déjà ouvert à près de 100% depuis longtemps. Comme les APE ne pouvaient être mis en place immédiatement, l’UE a obtenu une seconde dérogation à condition qu’ils deviennent effectifs à partir de janvier 2008. (...)

Mais l’UE ne souhaite pas renouveler les accords commerciaux non réciproques car elle poursuit depuis les années 1980 une stratégie d’accès facilité aux marchés des pays tiers, notamment des PED, tout en garantissant son approvisionnement en matières premières aux prix mondiaux, notamment à travers les « politiques d’ajustement structurel » imposées aux PED endettés par la Banque Mondiale et le FMI où les pays développés détiennent la majorité du capital, donc des voix. (...)

Il faut dire que les lobbies des grands groupes européens, notamment français, ont été à la manœuvre pour persuader les Chefs d’Etat d’AO qu’ils avaient tout à gagner à l’APE. C’est notamment le cas de la Compagnie Fruitière de Robert Fabre, qui produit et exporte l’essentiel des bananes et ananas de Côte d’Ivoire, Ghana et Cameroun sur ses propres bateaux, et des tomates cerises au Sénégal. C’est le Groupe Mimran, propriétaire des Grands Moulins d’Abidjan et de Dakar, qui a obtenu que le droit déjà minime (5% ad valorem) du tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO sur les céréales (à l’exception du riz) soit éliminé dès 2020. C’est le groupe Bolloré, qui gère la plupart des infrastructures portuaires du Golfe de Guinée et est impliqué dans l’exportation de 65% du cacao de Côte-d’Ivoire.

Evolution de la négociation de l’APE Afrique de l’Ouest-UE (...)

Pour les chercheurs d’Ibadan « Il faut s’attendre à une hausse du chômage urbain et rural » et « la consommation totale des ménages peut baisser légèrement ».

 En réduisant considérablement les recettes fiscales des Etats d’AO, l’APE réduirait d’autant les budgets consacrés à l’éducation, à la santé, aux petits agriculteurs et à la protection de l’environnement. D’autant plus que l’AO fait déjà face à un triple défi : démographique, du changement climatique et du déficit alimentaire.

 Le nombre d’immigrants illégaux d’AO arrivés dans l’UE et le nombre des noyés en Méditerranée exploseraient, probablement plus et pour une période plus longue que l’exode actuel des Syriens, Irakiens, Afghans et Libyens, compte tenu de l’explosion démographique que connaitra l’AO. Selon FRONTEX leur nombre est passé de 35.000 en 2014 à 54.085 en 2015 : « Il est maintenant assez facile d’atteindre l’UE quel que soit le risque accru de mourir dans le désert ou en mer. La motivation pour la migration peut varier selon les individus, mais l’on estime que la plupart sont poussés par des motivations économiques » |11|.

 De même les Boko Aram et autres jihadistes d’ACMI et Ansar Eddine ont de beaux jours devant eux si l’APE est mis en oeuvre.

 C’est finalement l’UE qui, à travers les APE, violerait les droits de l’homme dans les pays ACP, et en particulier en AO.

Pourtant certains responsables politiques de l’UE avaient tiré la sonnette d’alarme de 2005 à 2008, en vain (...)

Dommage que même les capitalistes égoïstes de l’UE se tirent une balle dans le pied en ne comprenant pas que, pour profiter à moyen et long terme de l’énorme marché que représentera l’AO pour l’exportation de leurs produits et services à haute valeur ajoutée, il est indispensable de lui permettre dans un premier temps d’assurer sa souveraineté alimentaire et de protéger ses industries naissantes.