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le Monde Diplomatique
Kosovo : l’illusion de la souveraineté
Article mis en ligne le 21 septembre 2012
dernière modification le 18 septembre 2012

Lundi 10 septembre, une cérémonie solennelle a, théoriquement, marqué la fin de la « supervision » internationale de l’indépendance du Kosovo. Celui-ci aurait donc accédé à la « pleine souveraineté ». Pourtant, la reconnaissance de cet Etat ne fait toujours pas l’objet du moindre consensus et le petit territoire reste toujours le « terrain de jeu » de nombreuses missions internationales, aux mandats flous et aux compétences incertaines.

(...) Le Groupe d’orientation sur le Kosovo (International Steering Group, ISG) s’est réuni une dernière fois à Pristina le 10 septembre, avant d’annoncer son autodissolution. Chargé de « superviser » l’indépendance proclamée le 17 février 2008, il réunissait les représentants de vingt-cinq Etats ayant tous reconnu le Kosovo. Son « bras armé » était le Bureau civil international (ICO), dont l’activité a également pris fin. Le gouvernement du Kosovo a cherché à donner le plus de lustre possible à cette évolution mais, si les officiels répétaient que ce 10 septembre était « la date la plus importante dans l’histoire du Kosovo depuis la proclamation d’indépendance », l’heure n’était guère à la liesse populaire. (...)

la mission d’administration intérimaire des Nations unies (Minuk) reste déployée au titre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, jamais abrogée, même si le champ d’action et les effectifs de cette mission ont été drastiquement réduits. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) conserve également d’importantes attributions dans les domaines aux contours bien imprécis de la « démocratisation » et de la promotion des minorités.

Pour les citoyens ordinaires, toutefois, la présence internationale la plus visible demeure sans aucun doute la mission militaire de l’OTAN, la Kosovo Force (KFOR), dont les effectifs sont progressivement passés, depuis juin 1999, de plus de 50 000 à moins de 5 000 hommes. Au cours des douze derniers mois, cependant, la KFOR a dû faire appel à des renforts pour réagir à la situation de crise dans les régions serbes du Nord du Kosovo (1). L’autre présence très visible est celle des policiers et des douaniers de la mission européenne Eulex.

Le 7 septembre, le Parlement du Kosovo a justement adopté la loi qui permet de proroger le mandat de cette mission jusqu’au 15 juin 2014 (...)

Une nouvelle crise se profile même, la plupart des pays européens contestant l’équilibre des pouvoirs au sein de la tutelle internationale et réclamant des pouvoirs décisionnels accrus pour le représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) au détriment du haut représentant international. A l’inverse, les Etats-Unis ont réaffirmé leur soutien au haut représentant, avec l’approbation du Royaume-Uni et le silence gêné de l’Autriche, l’actuel haut représentant, Valentin Inzko, étant un diplomate de ce dernier pays (4). Cette cacophonie au sein de la tutelle internationale fait bien sûr les gorges chaudes de Sarajevo, alors que la situation au Kosovo est autrement plus délicate...

En effet, faute de consensus international, jamais la présence ni le rôle du représentant civil et de son bureau (IC) n’ont été approuvés par le conseil de sécurité des Nations unies. Plus gênant encore, l’ICO ne s’inscrivait pas davantage sous le parapluie de l’Union européenne, alors que son chef, le diplomate néerlandais Pieter Feith, a longtemps cumulé cette fonction avec celle de représentant spécial de l’Union. (...)

Les désaccords agitant la communauté diplomatique occidentale au Kosovo sont de plus en plus ouverts et visibles. (...)

L’analyste kosovar Augustin Palokaj note d’ailleurs qu’avec le départ de l’ICO, s’en va du Kosovo la seule mission internationale qui le considérait comme un Etat, car ni la KFOR, ni l’OSCE, ni la représentation de l’UE, ni Eulex ne traitent le Kosovo comme tel (5). Si les Kosovars ne regretteront pas l’ICO, ils n’ont donc pas lieu non plus de se réjouir du départ de cette mission. (...)

En réalité, la fin de la « supervision » exercée par l’ICO marque avant tout une volonté des pays occidentaux de se dégager au moins partiellement tout en laissant un rôle accru à l’ONU. Or, le voyage du secrétaire général Ban Ki-Moon au Kosovo, fin juillet, a été l’occasion de dresser un bilan désastreux. Dans son rapport, M. Ban Ki-Moon pointe notamment les très faibles retours de non-Albanais, les menaces auxquelles sont toujours exposées les minorités, le manque de professionnalisme de la police, et enfin la situation préoccupante du nord du Kosovo (...)