Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
mars info
Kobanê : mémoire d’une combattante des YPJ
Article mis en ligne le 7 novembre 2018

Kurdistan
Le 1er novembre a été déclaré journée mondiale pour Kobanê, afin de revendiquer la résistance du peuple Kurde face à l’ennemi, ISIS. Aujourd’hui, Kobanê signifie lutter pour la libération d’Afrin, la libération d’Abdullah Ocalan, de tou.te.s les détenu.e.s politiques ainsi que garder en mémoire les martyres qui ont donné leur vie pour la résistance.
A l’occasion de cette journée la Brigata Maddaléna ( délégation de femmes ) a donné la parole à Rojin Evrim, commandante des YPJ qui a elle même vécu la libération de Kobane.

(...)

« À l’époque je faisais déjà partie des YPJ et géographiquement nous n’étions pas si loin de Kobane.
Quand j’ai décidé de participer à la résistance, la guerre n’était pas encore arrivée à Kobane, ISIS [Daesh] s’étendait seulement aux villages limitrophes, c’est donc là que nous avons commencé notre résistance.
Beaucoup de personnes du Bakur ont participé à cette bataille, beaucoup de femmes et de jeunes, il y avait les camarades Turcs, Européens, Arabes et tous ont participé à la résistance comme volontaire.
Dans la bataille de Kobane la chose la plus importante était de prendre position en tant que femmes, et ceci parce que nous connaissions déjà la mentalité fortement patriarcale d’ISIS ; nous connaissions les traitements sans scrupules que ISIS réservé aux femmes faites prisonnières. C’était les femmes qui étaient attaquées et elles devaient se libérer elles-mêmes (...)

Nous n’avions pas assez de camarades, dans une petite ville comme Kobane, on pouvait y arriver mais nous ne pouvions pas défendre tous les villages. C’est pour cela que nous avons décidé d’évacuer et de déplacer la population vers la ville. Quand ISIS avançait pour arriver à Kobane les villages étaient vides, ça a été facile pour eux d’avancer, ils n’ont rencontré aucune résistance. Ceci a été la bonne décision car nous avons réussi à limiter les morts.
De nombreux camarades durant la bataille se sont sacrifiés, il y avait beaucoup d’actions de sabotage, surtout par les femmes, nous étions décidées à agir plus que tous (...)

Quand ISIS est rentré dans la ville, c’était le moment où ils étaient le plus fort, ils détenaient les armes lourdes, armes chimiques et les chars blindés. Ils étaient plus nombreux que nous, avaient de meilleures armes et étaient plus préparés, alors que nous, nous n’avions rien. La ville était encerclée, les camarades ne pouvaient pas faire arriver fusils ou de meilleures armes, nous devions lutter avec ce que l’on avait.
Ce fut une résistance particulièrement difficile, ISIS détruisait tout et chaque jour nos camarades tombaient en martyre. (...)

Mais nous ne nous limitions pas à résister, nous nous infiltrions dans les groupes de l’ennemi, nous nous habillons comme eux pour infiltrer leurs groupes, sabotions leurs armements et comme ça, nous libérâmes différentes zones. Certains parmi nous ont traversé la frontière de la Turquie pour soutenir les actions de sabotage, directement chez l’ennemi. Toutes ces actions étaient très importantes pour notre moral, les informations tournaient rapidement, ils disaient “nous avons libéré une pièce” puis une maison, une école et “nous avons libéré le quartier”. Après tant d’efforts nous avons finalement réussi à libérer Mishtenur, et pour la première fois en six mois nous avons avancé au delà de la ligne de défense. (...)

Lorsque j’étais à l’hôpital j’ai vu la télévision, j’ai réalisé que le monde entier était était avec nous, il y avait des manifestations partout. Les personnes sur la frontière avec le Bakur (Kurdistan du nord) nous aidaient et nous supportaient, ils organisaient des tours de garde sur la frontière pour nous protéger.
Beaucoup sont venus combattre et beaucoup sont morts, pour certains il n’y avait ni photo ni nom sur la tombe, nous ne nous connaissions pas mais nous étions unis, c’est important de le rappeler.
Notre objectif était de ne pas perdre Kobane.
Avant Kobane il y avait la guerre mais les gens ne nous connaissaient pas, ne connaissaient pas le combat de ces femmes. Kobane a été une opportunité d’union pour tous, surtout pour les femmes.
Nous avons vu qu’il y avait une solidarité internationale concernant les femmes. Kobane a montré que l’ennemi peut être partout et que pour cela notre union représente une menace contre lui. Cette bataille a été une source de révolution, une source de force pour les femmes, et le début d’un nouveau futur libre. Après la libération, beaucoup de femmes d’Europe, des États-Unis, des pays arabes et d’autres lieux ont décidé de participer au YPJ, inspirées par la résistance de Kobane

YPJ est la mémoire de la société démocratique.
Les YPJ ce n’est pas seulement des femmes, belles avec un fusil à la main, c’est aussi la mémoire d’une société qui se libère. (...)

La Turquie soutient, entraîne, éduque, fourni les forces d’ISIS et ceci sous les yeux de tous. Les États, eux, continuent à regarder ailleurs pour pouvoir maintenir les bénéfices donnés par les accords avec le gouvernement turc.
Pour nous, entre ISIS et les soldats turcs, il n’y a pas de différence.
La Turquie nous attaque, occupe notre territoire, tue notre population et détruit nos vies comme ils couperaient des arbres.

Du coup, où est la différence avec ISIS ?
L’unique différence est que la Turquie étant un État, le monde reste donc en silence.
Mais nous, nous ne permettrons jamais que la Turquie reste tranquillement à Afrin, nous ne permettrons pas que d’autres femmes et hommes soient oppressés et tués, que s’y enseigne dans les écoles le turc, nous ne permettrons jamais qu’ils coupent nos oliviers. Nous ne ferons jamais un pas en arrière, jamais.

Nous avons montré à tous ce qu’était la résistance, ce que signifie lutter et maintenir libre le système confédéral. Nous avons montré qu’un système basé sur l’auto-détermination des femmes est possible.
Ceci est la plus grande signification de la résistance à Kobane.
Nous avons rendu l’espoir.
Nous avons montré que c’est possible ”