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José Bové : « L’écologie n’est pas un supplément d’âme, c’est une transformation complète de la manière de penser l’économie »
Article mis en ligne le 5 mai 2015
dernière modification le 29 avril 2015

« Les socialistes sont totalement prisonniers de l’idéologie industrielle, de la course infernale à la croissance. » C’est le bilan sans concession que tire l’eurodéputé écologiste José Bové de la première moitié du quinquennat de François Hollande.

Dépité par les « batailles d’égos » qui gangrènent Europe-Ecologie - Les Verts, il rappelle que l’« on n’a jamais fait bouger les lignes en France sur l’écologie sans mobilisation sur le terrain, sans mouvements sociaux ». Pour lui, la Conférence sur le climat à Paris en décembre sera un test. L’occasion de construire et recomposer un nouvel espace politique à gauche ? Entretien. (...)

Les socialistes sont totalement prisonniers de l’idéologie industrielle, de la course infernale à la croissance. Même en termes d’emplois – puisque c’est toujours le point central – ils affirment qu’il faut lier la croissance et l’emploi, et que grâce à 1 ou 1,5 point de croissance, on arrivera à créer des emplois. Changer de mode de production énergétique ou agricole nécessite de revoir complètement tous les critères qui permettent d’évaluer la façon dont la société peut progresser.

Y a-t-il une différence entre l’UMP et le PS sur les questions écologiques ?

Je n’en sais rien. Lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, nous avons mené des batailles, et gagné la loi sur les OGM en 2008 en faisant une grève de la faim. En 2011, une loi, certes imparfaite, a interdit la fracturation hydraulique. Ce sont deux combats importants. Pour tout le reste, Sarkozy est champion toutes catégories notamment en tant que VRP du nucléaire ! Aujourd’hui, certains discours du gouvernement ou du Parti socialiste paraissent plus sympathiques, mais où sont les lois concrètes ? Sur la prise en compte des OGM cachés, rien. Sur le nucléaire, cela ne bouge pas d’un millimètre. La construction du centre d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, ça continue. Nous avons failli avoir un retour du gaz de schiste. On nous a annoncé une diminution de 50 % des pesticides pour 2018, et le gouvernement a ensuite repoussé cet objectif de 10 ans [3]. C’est incroyable ! (...)

nous sommes dans une écologie de résistance. Pour faire appliquer les règles signées en 2011 sur le nucléaire, c’est une bataille permanente. Heureusement, Areva nous donne un coup de main et fait foirer l’EPR à Flamanville ! On peut gagner sur ce dossier uniquement parce qu’il est bancal. Mais pour la fermeture de la centrale de Fessenheim, rien n’est gagné, car le lobby du nucléaire, c’est le lobby de l’État. Une culture absolument redoutable. Il ne faut pas seulement changer le logiciel idéologique des politiques, mais aussi nos institutions politiques qui sont complètement fermées. L’écologie reste un discours extérieur à la pensée de l’État. (...)

La conférence sur le climat (COP21), en décembre, sera un test. Des mouvements, des associations, des forces politiques, qui considèrent le climat comme une question centrale, seront-ils capables de se rassembler, d’agir ensemble ? Serons-nous capables d’insuffler une dynamique jusqu’au mois de décembre, de mobiliser 300 000 ou 400 000 personnes dans la rue à Paris, à la veille de l’ouverture du sommet ? L’enjeu est là. Il ne suffit pas d’avoir raison sur le fond. Il faut être en capacité d’entrainer les gens et de faire un « Seattle du climat ». Il faut qu’il y ait une pression des citoyens pour obliger les gouvernements à agir, pour les obliger à ne pas céder en permanence à tous les lobbys. (...)

A la Commission européenne et au Parlement européen, il y a une connivence très forte entre les instances de décision et les grands groupes industriels. Sur les questions économiques, madame Thatcher disait : « Il n’y a pas d’autre solution ». Les grands groupes jouent aujourd’hui ce rôle vis-à-vis des instances politiques, en affirmant : « C’est comme cela qu’il faut faire, il n’y a pas d’autres possibilités ». C’est une forme d’enfermement, on n’ouvre absolument plus les espaces de possibles. Comme s’il n’y avait qu’une seule solution : les réductions des émissions de CO2 sont conditionnées aux déclarations de l’industrie du charbon, de l’automobile, et aux menaces de licenciements. On pourrait avoir une organisation du travail différente avec des emplois dans d’autres secteurs. Mais ce n’est pas le logiciel de ces intérêts corporatistes, privés.
(...)

Les responsables politiques, comme les dirigeants d’entreprises, sont issus des mêmes générations, des mêmes écoles, ne tiennent absolument pas compte de la nécessaire révolution pour faire face à ce changement climatique. L’écologie est « ajoutée » à un autre discours – discours d’entreprise, socialiste, libéral, de droite, nationaliste (puisque maintenant il existe même une « écologie patriotique ») – dans un discours idéologique. Mais elle n’est pas un supplément d’âme, un supplément au socialisme... L’écologie est une transformation complète de la manière de penser l’économie, de penser le rapport à la nature et à l’environnement, c’est quelque chose de radicalement différent. (...)