
En France, 85,7% des jeunes de 17 ans ont déjà touché à l’alcool, 8,4% ont une consommation régulière (au moins dix fois dans le mois) et 44% ont une alcoolisation ponctuelle importante chaque mois –contre 20% des élèves de 3e. Mais si ces chiffres évoquent des soirées de binge drinking –des consommations en groupe avec une recherche intentionnelle et organisée d’ivresse–, dignes de la série Euphoria, ils cachent des réalités très différentes selon le contexte social et économique dans lequel évoluent les jeunes.
L’enquête Aramis 2 sur les usages d’alcool en soirée chez les adolescents et les jeunes de plus de 18 ans, financée par le fonds de lutte contre les addictions et coordonnée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) nous permet d’y voir plus clair.
Un mot, avant tout, pour les adeptes du « c’était mieux avant » : depuis le début des années 2000, les enquêtes de l’OFDT montrent une tendance à la baisse des prévalences d’usages d’alcool chez les jeunes. Reste qu’au pays des 375 AOC viticoles, les niveaux restent importants, surtout lorsqu’on les compare à ceux d’autres États européens. (...)
Les jeunes Français se démarquent par une expérimentation de l’alcool qui commence souvent avant l’adolescence et par une consommation mensuelle élevée, même si les alcoolisations ponctuelles importantes –en d’autres termes les fameuses soirées binge drinking– se situent dans la moyenne.
Sans surprise, ces épisodes ont lieu au sein du cercle amical. Ce qui n’empêche pas les jeunes de consommer de l’alcool à la maison, comme l’expliquent Marc-Antoine Douchet et Paul Neybourger, chargés d’études et coauteurs de de l’enquête Aramis
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Les jeunes Français se démarquent par une expérimentation de l’alcool qui commence souvent avant l’adolescence et par une consommation mensuelle élevée, même si les alcoolisations ponctuelles importantes –en d’autres termes les fameuses soirées binge drinking– se situent dans la moyenne.
Sans surprise, ces épisodes ont lieu au sein du cercle amical. Ce qui n’empêche pas les jeunes de consommer de l’alcool à la maison, comme l’expliquent Marc-Antoine Douchet et Paul Neybourger, chargés d’études et coauteurs de de l’enquête Aramis (...)
Les types d’alcool consommés varient en effet selon les contextes, mais aussi selon les représentations. (...)
Optimiser le ratio « coût-cuite »
Jules, 16 ans, nous raconte qu’à la maison, il arrive que ses parents lui « servent du vin » et que bien qu’il « n’aime pas trop le goût », il en boit « quand même un peu ». « Disons que ça aide à faire passer les interminables repas de famille. » Mais lorsqu’il retrouve son cercle d’amis, « souvent dehors ou dans une usine désaffectée », la situation est très différente : « Je n’y vais pas de main morte et tout ce qu’on a sous la main y passe, quitte à faire des mélanges –une fois, j’ai mis tous les restes d’alcool qu’il y avait à la maison dans une même bouteille. »
Qu’importe le goût, pourvu qu’il ait l’ivresse, en somme. (...)
L’exemple de Jules, qui vit dans un petit village, est également assez caractéristique des différences en termes de lieux festifs de consommation. « Les questions de mobilité peuvent contraindre certains jeunes vivant en milieu rural, relèvent Marc-Antoine Douchet et Paul Neybourger. Ceux-ci vont avoir tendance à avoir des sociabilités intensives avec les mêmes amis d’enfance et à investir les espaces privés. Les soirées s’y déroulant forment un cadre majeur de sociabilités juvéniles, faute de diversification des espaces de rencontre. »
« Il y a souvent un calcul de chaque déplacement, freinant parfois les sorties, plus d’organisation pour dormir chez les uns et les autres... Ils ont aussi tendance à investir davantage les espaces publics extérieurs : qu’il s’agisse de lieux de passage (places publiques, rues...), d’équipements de la commune (comme un terrain de football) ou encore de lieux très peu fréquentés voire désaffectés », précisent-ils.
À l’opposé, les jeunes issus de classes moyennes et supérieures, qui vivent en villes et/ou font l’expérience d’une plus grande mobilité, diversifient leurs contextes de consommation. (...)
si les raisons pour lesquelles les jeunes boivent de l’alcool sont multiples, les motivations essentielles de l’ivresse sont souvent la désinhibition et le désir de faciliter l’intégration dans un groupe. Mais, précisent les auteurs, « les normes de consommation diffèrent selon les cercles de pairs ». (...)
dans certains groupes ou dans certaines situations, la consommation d’alcool (ou du moins la consommation excessive) n’est pas valorisée. (...)
nombre de jeunes ont bien intégré un certain nombre de mesures, individuelles ou de groupe, pour éviter que la soirée ne vire au drame. (...)
Le rôle de “maman du groupe” et “d’infirmière” (pour les citer) est très souvent endossé par les jeunes filles, qui boivent moins pour prendre soin des autres membres du groupe (surtout des garçons) et les protéger d’eux-mêmes. Les garçons sont quant à eux censés remplir la fonction de “gardes du corps” des filles, en les protégeant notamment des risques d’abus sexuels. »
On le voit, il y a presque autant de profils de jeunes consommateurs et consommatrices d’alcool en soirée que de profils de jeunes, même s’il existe des schémas qui varient selon la classe sociale, les possibilités de mobilités ainsi que le genre. Les deux auteurs de l’étude Aramis 2 concluent ainsi que « la diversité des profils de jeunes interrogés dans le cadre de cette étude montre une nouvelle fois qu’il faut éviter de considérer la jeunesse comme un ensemble homogène ».