Pour les auteurs de cette tribune, parmi lesquels Attac et le réseau Sortir du nucléaire, l’industrie d’État qu’est le nucléaire tente d’imposer ses « avantages » pour préserver le climat, au prix d’informations souvent tronquées, approximatives ou mensongères. Au centre de ce travail de réhabilitation, les auteurs désignent Jean-Marc Jancovici et ses réseaux.
En France, s’appuyant sur l’inquiétude liée à la crise climatique, une industrie d’État — le nucléaire — tente d’imposer ses « avantages » pour préserver le climat, en diffusant des informations souvent tronquées ou approximatives, voire mensongères.
Parmi les personnalités au centre de ce travail de réhabilitation d’une industrie pourtant très malmenée (plusieurs accidents à travers le monde, en crise financièrement, l’impossible gestion des déchets…), Jean-Marc Jancovici et ses réseaux, structurés autour d’une entreprise, Carbone 4, et d’une association : Le Shift Project.
Un idéologue bien au-delà de l’urgence climatique
La pensée de Jean-Marc Jancovici structure celle du Shift Project et de Carbone 4. Ces dernières sont en fait des outils au service de la vision de la société que développe Jancovici. Il part d’un point de vue d’ingénieur pour arriver à une position idéologique qui va bien au-delà d’un discours sur l’urgence climatique. Au-delà du discours de Jancovici, c’est cette vision de la société que nous dénonçons. (...)
Qui est Jean-Marc Jancovici ? Diplômé de l’École Polytechnique et de l’École Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris, il enseigne à Mines Paris Tech. Il est membre du Haut Conseil pour le climat. Il conseille à ce titre les dirigeants politiques. Au cœur de l’élite, il est un premier de cordée ! Ce parcours qui lui permet d’asseoir sa place dans les cercles du pouvoir, lui permet aussi de se faire respecter des médias (même quand il les malmène), dans un monde où la place des experts techniques, des « savants » l’emporte sur le reste.
À noter, à ce stade, l’implication historique considérable des grandes écoles (Polytechnique, l’École des mines) dans la fabrique des futures élites du nucléaire français. La plupart ont été formées dans ces incubateurs du nucléaire, sans jamais remettre en question cette énergie. Cette élite aura été déterminante dans le lancement du programme nucléaire en France. (...)
Jean-Marc Jancovici est aussi cofondateur et codirigeant de l’entreprise Carbone 4, un cabinet de conseil indépendant spécialisé dans la stratégie bas carbone et l’adaptation au changement climatique. Ceci n’est pas anodin, car quand il fait une conférence devant des dirigeant·es ou des cadres d’entreprises, il est devant sa potentielle clientèle, et n’hésite pas, par ailleurs, à leur proposer de la formation. Le Shift Project, qui est derrière ? Selon sa propre présentation, The Shift Project est un groupe de réflexion qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. L’objectif du Shift Project est donc en premier lieu économique. À l’image de son président, Jean-Marc Jancovici, The Shift Project défend le climat en présentant le nucléaire comme une énergie non carbonée (nous y reviendrons plus loin). (...)
Qui finance le Shift Project ? Entre autres… EDF, Bouygues, Vinci, BNP Paribas, Enedis, Vicat (un cimentier international lié à l’industrie nucléaire). Le Shift Project ne s’adresse pas à n’importe qui : l’adhésion en tant que membre est réservé aux entreprises, avec lesquelles le Shift signe une convention. (...)
Jancovici, capitaliste décomplexé
Jean-Marc Jancovici défend le système économique et politique responsable de la crise écologique que nous vivons. Étudions ce qu’il dit. Usant d’une rhétorique parfois fine, il semble défendre une forme de décroissance… tout en s’appuyant financièrement sur les plus grosses entreprises. Mais s’élever contre la croissance, sans remettre en cause le système industriel, financier, économique et au final politique, n’a pas de sens. Il est incohérent de défendre une forme de sobriété sans critiquer la société productiviste responsable des émissions de gaz à effet de serre… surtout en s’appuyant sur les plus grands acteurs du monde industriel ! (...)
Un discours profondément sexiste
Sa vision des hommes et des femmes est patriarcale : « Le technicisme est une affaire d’homme. […] Le discours féminin […] est globalement un discours de douceur. C’est une des raisons pour lesquelles je suis favorable à ce qu’il y ait plus de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. C’est pas pour une raison d’égalité homme femme. […] Je m’en fous sincèrement, au sens (où) une femme qui a vraiment envie, elle fait ses preuves et elle avance. » « Arriver dans les hautes sphères politiques c’est un parcours de brutes, et ça ne correspond pas à l’essentiel de la psychologie féminine. […] Un certain nombre de femmes politiques très visibles sont des hommes en jupe. » (...)