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Rue89/Nouvel Observateur
Italie : politiques et bureaucrates passent, les entrepreneurs s’adaptent
Article mis en ligne le 23 mars 2015

Un nouveau tremblement de terre est venu secouer les hautes sphères italiennes. Ercole Incalza, ingénieur de grand renom, a été mis sous les verrous le 16 mars dans le cadre de la mise au jour d’un vaste système de corruption. Ercole Incalza, super-bureaucrate réservé mais à la solide réputation, était surnommé le « dominus » (maître) des marchés publics. Il était également à la tête du département technique du ministère des Infrastructures.

Sa chute a entraîné, ce vendredi, la démission du ministre des Infrastructures, Maurizio Lupi. Si la culpabilité directe du ministre n’est pas démontrée, il aurait bénéficié d’avantages. Une écoute téléphonique a notamment révélé comment, en un coup de fil à Ercole Incalza, il a réussi a trouver un emploi à son fils, Luca Lupi, fraîchement diplômé. Une gifle dans un pays où plus de 40% des jeunes est au chômage.

Ercole Incalza était bien connu de la justice italienne. Poursuivi pas moins de 14 fois par la magistrature dans des scandales divers et variés, il était passé entre les mailles du filet pour prescription. Son nom apparaissait dans tous les derniers scandales italiens liés aux grands chantiers publics : Moïse (à Venise) et le chantier de l’Expo universelle (Milan)... (...)

L’arrestation d’Incalza va perturber la machine, les fragiles équilibres, les amitiés tissées dans les alcôves de Montecitorio (siège de la chambre des députés italienne à Rome) ou des cafés select qui peuplent le centre (...)

Obtenir des marchés publics est devenu si compliqué. Il faut, pour entrer dans la course, rencontrer directement les personnes qui s’occupent de les établir. Souvent, les bureaucrates chargés de l’élaboration et de l’attribution craignent des représailles. (...)

Souvent le politique joue un rôle d’intermédiaire. « Mais c’est le bureaucrate qui a tout le pouvoir. » C’est lui qui détient les codes pour remporter les marchés, qui indique à l’entreprise quelles caractéristiques fournir pour rafler la mise. (...)

Ercole Incalza, rouage essentiel de l’administration italienne, a résisté à sept gouvernements. « Les ministres passent, les Incalza restent », s’exclamait le journaliste Marco Travaglio sur le plateau de l’émission très suivie « Servizio Pubblico ». (...)

Dans son livre « Le Coup d’Etat invisible » (« Il Golpe Invisibile », janvier 2015, éd. Kaos), le politologue Giorgio Galli écrivait que l’Italie est dominée par une bourgeoisie financiaro-spéculative et une bureaucratie parasite. Selon lui, cette manière d’être s’est exprimée à travers des personnages comme Craxi mais surtout Berlusconi, parfait représentant de ce système.

Galli parle de familialisme amoral. « Défendre le système, leurs propres intérêts et ceux des proches est leur seule manière d’administrer la chose publique », confiait-il à Il fatto quotidiano. En temps de crise, le mal-être social exige des réponses à ce type de comportement. Une réponse qui doit être culturelle, avancent plusieurs intellectuels italiens. A commencer par l’un des anciens juges de l’opération Mains propres, Gherardo Colombo. Dans son dernier ouvrage, il décrit le phénomène endémique de la corruption, un phénomène qui, selon lui, touche aussi bien les politiques que la société civile. Une piste de réflexion très intéressante même si personne ne semble savoir exactement comment mener cette bataille à bien.

En attendant, vendredi, le ministre Maurizio Lupi a donné sa démission. Selon plusieurs médias, un remplaçant aurait déjà été trouvé à Incalza (...)

En Italie, les politiques passent, les bureaucrates restent. Et les entrepreneurs s’adaptent.