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la paix maintenant
Israël, les obstacles psychologiques à la paix
Article mis en ligne le 11 juillet 2014
dernière modification le 9 juillet 2014

Par-delà les lourdes péripéties de ces derniers jours, et au moment où le camp de la paix connaît un sursaut, le psychologue Carlo Strenger propose dans son blog hebdomadaire une analyse de fond de la dérive désespérée de l’opinion israélienne vers la droite.

Il sera, selon lui, « quasiment impossible de résoudre le conflit sans traiter des mécanismes psychologiques qui empêchent les Israéliens d’adhérer à la paix ».

Européens et Américains posent sans relâche cette question toute simple : « Chacun sait à quoi les accords de paix définitifs entre Israéliens et Palestiniens ressembleront. Clinton a formulé depuis longtemps les bases d’un traité sur le statut final. Pourquoi Israël sabote-t-il systématiquement les chances d’un tel accord, alors que cela sape de toute évidence son propre avenir, voire son existence en tant que foyer national juif ? Pourquoi les Juifs sont-ils si irrationnels ? »

J’ajouterai à cela l’une des énigmes les plus saillantes de la politique israélienne depuis 2002, moment où l’Arabie Saoudite proposa pour la première fois l’initiative de paix ensuite avalisée par la Ligue arabe : cette initiative offre, en échange du retrait israélien de tous les territoires conquis en 1967, la reconnaissance d’Israël par tous les États arabes – et presque tous les autres pays musulmans – et l’établissement de relations diplomatiques pleines et entières, en vue de parvenir à une complète normalisation.

Pourquoi diable aucun gouvernement israélien n’a-t-il donc réagi officiellement à l’Initiative de paix arabe, sans parler de s’engager dans un processus de négociation sur ces bases, alors même que celle-ci offre à Israël son plus grand espoir : voir son existence au Moyen-Orient pleinement acceptée par le monde musulman ?

Je me trouve constamment en situation de tenter de répondre à ces questions, généralement face à un public européen ou américain [...], mais souvent aussi avec des représentants déçus et indignés de ce qu’il est convenu d’appeler le camp israélien de la paix, auquel j’appartiens. Cela, du fait qu’un fossé s’est ouvert entre ce camp et la majeure partie du pays [...]

C’est pourquoi j’entends mettre en lumière trois mécanismes psychologiques qui rendent quasi impossible à Israël d’avancer vers la paix, d’abord et avant tout avec les Palestiniens, mais aussi avec le monde arabe dans son entier. Je vais essayer de montrer que lesdits mécanismes sont très puissants, et que résoudre le conflit devient de plus en plus – et non de moins en moins – difficile. En conclusion, je dirai que ce n’est qu’en traitant de ces questions psychologiques que l’on pourra convaincre les Israéliens d’aller vers la paix. .

Comment stopper cette dangereuse évolution ? Le camp israélien de la paix, comme les nombreux amis d’Israël à l’étranger désireux de l’aider à assurer son avenir de patrie démocratique des Juifs, doivent prendre les craintes des Israéliens au sérieux. Ce qui signifie, avant tout et surtout, de reconnaître qu’avancer vers la paix comporte d’authentiques risques en termes de sécurité, et de s’en soucier sans fléchir. Aussi longtemps que la majorité des Israéliens sentira que les appels à la paix ne s’adossent pas au réel souci de leur sécurité, ils continueront à aller vers la droite.

Le camp de la paix, en Israël, s’est abstenu ces derniers temps de se confronter clairement à cette question. Presque tous les partis de centre-gauche se sont focalisés sur les questions sociales et économiques, et s’emploient à éviter toute perspective stratégique à long terme pour le pays, dissimulant leur engagement en faveur de la solution à deux États quelque part au fin fond de leur programme politique. Seul un leader traitant sans faillir de la peur d’Israël pour son existence pourra remplacer Benyamin Nétanyahou, dont la raison d’être et l’unique action ont été de donner voix à ces peurs et de s’y adresser, quand bien même il n’a nul espoir à offrir.